Europe

Europe : Pause pour les dirigeants européens sur fond d'accalmie

Le dernier sommet européen, tenu les 13 et 14 décembre, était annoncé depuis quelques mois comme historique. Il était censé définir une feuille de route précise pour approfondir l’intégration de la zone euro.

En l’occurence, et en raison d’une série d’événements ayant ramené le calme sur les marchés financiers, cette décision a été remise à plus tard.

Il est vrai que la pression sur les dirigeants s’était relâchée. Depuis septembre et l’annonce par la BCE de son plan de rachat illimité mais conditionnel de dette publique, la défiance visà- vis de la zone euro s’est beaucoup amoindrie. Les taux d’intérêts des dettes publiques espagnole et italienne sont descendus à des niveaux soutenables. Même les fonds d’investissement américains ont recommencé à acheter de la dette publique des pays du sud de l’Europe. Enfin, l’intense spéculation sur une éventuelle demande par le gouvernement espagnol d’un plan de sauvetage européen s’est arrêtée.

Le calme revient sur les marchés financiers

L’annonce de la BCE n’a pas été le seul facteur stabilisateur. Le dossier grec, après le psychodrame parlementaire de la mi-novembre, avance dans un sens positif pour les dirigeants européens. Ceux-ci ont imposé un nouveau défaut partiel aux créanciers privés de l’Etat grec (sans évidemment admettre publiquement qu’il s’agissait de cela) à travers une opération de rachat par l’Etat grec de sa propre dette. Le FESF lui a prêté une dizaine de milliards d’euros qui ont servi à racheter des obligations publiques, pour le tiers de leur valeur nominale, réduisant ainsi d’une vingtaine de milliards d’euros la dette publique grecque. Suite à quoi, les Européens et le FMI ont débloqué la nouvelle tranche d’aide financière à Athènes, devant servir notamment à recapitaliser les banques grecques.

Le gouvernement grec en sort, du moins provisoirement, renforcé et espère que la recapitalisation des banques fera repartir le crédit et stimulera l’activité, réduisant ainsi le chômage. En parallèle, Syriza multiplie les gages adressés aux dirigeants européens et à la bourgeoisie grecque. Tsipras a rencontré les ambassadeurs des pays membres de l’UE à Athènes mais aussi les représentants de l’association des armateurs grecs. Dans les deux cas, les échanges furent «productifs» et l’attitude de Tsipras jugée «mature». Petit à petit, l’image du méchant bolchévique au couteau entre les dents est remplacée par celle du gentil social-démocrate responsable. Plus la perspective d’un gouvernement Syriza paraîtra sérieuse (les derniers sondages le confirment), et plus ce parti endossera les habits d’une force d’opposition parlementaire «respectable».

Voilà globalement le contexte dans lequel s’est déroulé le dernier sommet européen. Et comme il est de coutume dans le processus de la «construction européenne», quand la pression se relâche les décisions difficiles sont reportées.

La marche vers plus d’intégration ralentit

Mais pas toutes les décisions. Le matin même du jeudi 13 décembre les ministres des finances des pays membres de l’UE sont arrivés à un accord sur la première étape de l’union bancaire. Un «mécanisme unique de supervision» sera mis en place en mars 2014, au sein de la BCE. Dès qu’il sera opérationnel, le MES (mécanisme européen de stabilité) pourra intervenir directement pour recapitaliser les banques en difficulté. Qu’est-ce que ça veut dire concrètement? La BCE aura un droit de regard sur les bilans des 150 à 200 plus grandes banques européennes (à peu près 80% du secteur en termes d’actifs) et pourra décider de leur retirer leur licence ou leur imposer de diminuer les crédits qu’elles accordent aux entreprises et aux particuliers. En échange, les coûts liés à des éventuels sauvetages bancaires seront supportés collectivement par les gouvernements européens.

Cette décision lance la première des quatres «unions» que les dirigeants européens ont décidé de mettre en place lors du sommet de juin dernier, les trois autres étant les unions budgétaire, économique et politique. Mais au lieu de décider, comme annoncé, un échéancier précis devant mener à la mise en place de ces trois autres unions, le sommet a reporté la discussion au sommet de juin 2013, où des propositions sur l’union budgétaire devront être débattues.

En fait, le calme sur les marchés et la possibilité de reporter ces décisions arrangent bien les principaux protagonistes, à savoir François Hollande et Angela Merkel. Hollande évite depuis son élection de lancer un débat public sur l’approfondissement de l’intégration européenne. Il préfère concentrer son capital politique sur les réformes structurelles et l’austérité budgétaire, qui déjà le rendent impopulaire et divisent sa majorité parlementaire. Y rajouter un débat sur l’Europe pourrait faire dérailler son gouvernement. C’est pour ça que Hollande remet à après les élections européennes de 2014 les grandes décisions sur ce front.

Quant à Merkel, elle mène déjà campagne pour les élections fédérales allemandes de septembre 2013. Pour faire le plein des voix à droite, elle a intérêt à éviter de nouvelles initiatives européennes qui l’exposerait à la critique de gaspiller l’argent du contribuable allemand. Et le gouvernement allemand qui sortira des urnes, si les tendances actuelles se confirment, sera plus en mesure de prendre de telles initiatives.

Ces calculs se tiennent a priori. Mais en 2013 la situation économique va se dégrader et rien ne permet d’exclure une explosion sociale. En tous cas, les dirigeants des mouvements syndicaux européens n’ont pas vraiment fait preuve d’audace avec leur initiative a minima du 14 novembre. Il faudra bien que quelqu’un leur force la main.

Christakis Georgiou