A propos de l'éditorial de Jean-Michel Dolivo dans le «solidaritéS» Nº220 du 20 décembre 2012 - «De quelle société la détention administrative est-ellle le nom?»
«De quelle société la détention administrative est-ellle le nom?»
L’article remarquable de JeanMichel Dolivo nous montre un aspect important de la gestion unilatérale des flux migratoires dans le capitalisme mondialisé actuel. Il met l’accent sur un point essentiel qui sert de point de départ à mon propos. Il écrit : «Le sentiment d’insécurité derrière lequel s’abrite lâchement l’establishment politique pour justifier ses méfaits, est pour une bonne part sa propre création.» Il a raison de dénoncer la lâcheté de l’Etat.
Les politiques de migrations internationales de travail souhaitables pour les peuples de tous les pays – mais pas nécessairement pour les oligopoles globaux – devraient avoir pour objectifs fondamentaux le développement du Sud et le rajeunissement de la population au Nord. Plus concrètement les politiques de migrations internationales de travail doivent être fondées sur le principe du travail décent et de la promotion des droits des travailleurs·euses en conformité avec deux textes fondamentaux de l’ONU : la charte des Droits de l’Homme de 1948 et la déclaration du droit au développement de 1986 qui la complète en proclamant que chacun a le droit de participer et de contribuer, et profiter du développement économique, social, culturel et politique dans lequel les droits et les libertés fondamentales de tous les humains peuvent se réaliser pleinement. Il s’agit d’imaginer un avenir mondial d’inspiration humaniste dans lequel l’auto-organisation efficace des groupes non privilégiés est un critère fondamental de la démocratie dans une société ou un système social.
La tâche s’avère ardue pour deux raisons fondamentales :
1 Les acteurs principaux de l’ultralibéralisme s’opposent par tous les moyens à cette alternative, y compris par la destruction des sociétés sous prétexte qu’elles génèrent des régimes hostiles à l’impérialisme. Les politiques les plus courageuses et les plus élaborées ne produiront des résultats conformes aux attentes des couches populaires urbaines et rurales que si elles font partie d’un projet audacieux de remise en question du pouvoir grandissant des méga oligopoles sur le système économique mondial. En effet les STN globales opposent aux Etats qui ont des politiques à base territoriale, les leurs qui sont à base mondiale et qui respectent les paradigmes du libre commerce défini par l’OMC, et de la libre circulation des actifs monétaires et financiers; mais elles s’accommodent de la segmentation des marchés du travail qui permet de maximiser les profits dans chacune des chaines de valeurs transfrontalières qu’elles ont construites.
2 Dans de nombreux pays du Sud les jeunes et leurs familles nourrissent encore l’illusion que l’émigration massive peut être un bon substitut à la lutte pour le développement national; illusion d’autant plus tenace qu’elle est entretenue par le fait que les politiques de l’ajustement structurel à la mondialisation excluent le principe de la protection sociale tandis qu’au Nord, et spécialement dans les pays scandinaves et dans l’Europe des six, le droit à la protection sociale minimale est menacé et grignoté mais continue heureusement d’opérer.
Bernard Founou Tchuigoua *
06/01/2013
* co-auteur de « Migrations internationales de travail et insécurités humaines », Paris, L’Harmattan, 2009