Les JSS exigent la suppression du 2e pilier et une AVS garantissant au moins 4000 francs

Le 30 octobre 2008, le journal de solidaritéS publiait un article, « Pour une prévoyance vieillesse solidaire : fusionner l’AVS et le deuxième pilier ». Aujourd’hui, de plus en plus de forces de gauche se retrouvent dans cet objectif. Il ne s’agit pas de plastronner parce que nous étions parmi les premiers, mais de faire le constat politique que la crédibilité du deuxième pilier est en chute libre.

Ce constat amène forcément des forces politiques et syndicales à voir que l’avenir d’une prévoyance vieillesse sociale et suffisante est à chercher dans l’AVS. Le Congrès de La Gauche, à Zürich en mars 2011, a décidé du principe du lancement d’une initiative visant cette fusion, après celle visant la suppression des forfaits fiscaux qui a abouti récemment. La Tribune de Genève nous apprenait récemment sur son site Internet que Jean Spielmann du PdT genevois travaille sur un tel projet de fusion AVS-deuxième pilier, le journal socialiste romand Pages de Gauche inscrit cette fusion dans ses revendications en ce qui concerne les retraites…

En décembre dernier, les Jeunesses Socialistes de Suisse (JSS) débattaient et adoptaient elles aussi, en Assemblée des Délégué·e·s nationale, un texte sur la prévoyance vieillesse. Ce texte des JSS/JUSO est disponible en allemand sur leur site Internet. Il mérite d’être analysé. Son existence a le grand avantage de permettre un débat, de constater les convergences mais aussi quelques divergences au moment où il s’agit de mettre en formes ces objectifs, ce qui n’est pas a priori très simple.

Les JSS définissent les avantages de l’AVS : système de répartition qui libère des risques boursiers et qui, selon eux, rend secondaires les problèmes posés par l’augmentation de l’espérance de vie des retraité·e·s (cette problématique me semble être balayée un peu trop vite !), le système est plus égalitaire et social, les plus riches participent au financement des rentes des moins riches.

Quand aux désavantages du deuxième pilier qu’ils voient : ce n’est qu’un compte d’épargne individuel, mais qui oblige les caisses et les membres à participer au Casino de la spéculation financière?; il ne diminue pas les inégalités mais plutôt les augmente, dans la mesure où les cotisations peuvent être déduits des impôts : plus son salaire est élevé, plus on peut déduire…

 

Les objectifs que proposent les JSS

A partir de cette analyse, les JSS/JUSO exigent en particulier les points suivants :

L’AVS doit assurer une existence digne. La rente minimale devra être augmentée au minimum à 4000 francs et correspondre pour les petits et moyens salaires à 80% de leurs revenus.

Les rentes AVS doivent être régulièrement indexées.

Les hauts salaires doivent payer une contribution de solidarité de 2% du salaire dès qu’il dépasse 200 000 francs, et de 4% dès qu’il dépasse 1 million.

Le deuxième pilier doit être progressivement aboli.

Les caisses de pension doivent être limitées dans leur stratégie de placement à ceux qui servent des intérêts publics.

Le taux de conversion doit être abaissé, en même temps que les cotisations et rentes AVS augmentées.

Les cotisations au deuxième pilier ne peuvent plus être déduites des impôts.

 

Il faut noter que plusieurs amendements proposaient de supprimer le montant de 4000 francs dans le texte.

 

Un débat nécessaire

Il faut saluer cette prise de position des JSS/JUSO qui va dans le sens du renforcement d’un front commun des forces qui se battent pour une prévoyance vieillesse suffisante, sociale et solidaire.

Ceci n’empêche pas – au contraire – de débattre, notamment des points suivants qui nous semblent poser des problèmes :

 

L’acceptation de la diminution du taux de conversion voulu par la droite est pour le moins dangereuse. L’effet sera concrètement une diminution des rentes, basée sur l’argumentation « on ne peut plus payer ». De plus cette diminution semble entrer dans le cadre d’une abolition pas par pas du deuxième pilier, qui payerait de moins en moins tout en encaissant tout autant. Résultat, la cotisation globale devrait augmenter, en particulier celle de l’AVS, pour garantir les mêmes rentes ! On en arrive ainsi à une situation dans cette transition où tous les salariés devraient y perdre, ce qui est renforcé par la suppression des déductions fiscales.

Il y a un problème de calendrier. On ne peut concevoir une transition douce et une mort lente du deuxième pilier, il faut une date précise pour une fusion, et une définition claire de ce qui est proposé comme fusion. En particulier comment on gère les droits acquis, comment on transfère les 700 milliards de fortune du deuxième pilier à l’AVS, comment on garantit les éléments de contrôle des salarié·e·s…

La question de la gestion du capital mérite un débat. Il est clair qu’un modèle spéculatif à la « hedge fund » est exclu, que des critères d’utilité sociale doivent être présents. Le rendement du capital est toujours le résultat de l’exploitation des travailleurs et des travailleuses. Nous sommes dans une contradiction. Mais faut-il pour autant viser des rendements minima pour les retraites des salarié·e·s, pour laisser les bons rendements aux « vrais » capitalistes ?

 

Mais quoiqu’il en soit et en conclusion, la possibilité de constituer un large front pour une fusion AVS/deuxième pilier semble se renforcer. Une direction et un travail auquel solidaritéS devra consacrer l’effort nécessaire pendant et après le prochain congrès interrégional de notre mouvement lors duquel ce point est notamment à l’ordre du jour.

 

Michel Ducommun