Salaire minimum

Salaire minimum : Lutter contre la pauvreté dans le monde du travail

Après l’inscription du droit à un salaire minimum dans la consitution du canton de Neuchâtel en 2011, c’est le Jura qui vient de faire un pas en acceptant une initiative par 54,26 %  des voix  demandant au Parlement de créer une base légale pour garantir à chaque travailleur et travailleuse un salaire assurant un niveau de vie décent.

 

On se rappelle des nombreux obstacles juridiques et des arguments sur l’inutilité d’une telle disposition qui ont systématiquement été opposés aux propositions des député·e·s de solidaritéS d’inscrire le droit à un salaire minimum dans les Constitutions cantonales, à Genève, Vaud et Neuchâtel. Que n’a-t-on pas entendu pour combattre ce droit élémentaire à l’obtention d’un salaire permettant à celles et à ceux qui travaillent de vivre dignement ! Et ce n’est pas fini. 

Les adversaires avancent partout les mêmes objections, mais peu à peu l’idée fait son chemin et s’impose dans les votations populaires : il n’est pas  normal de dépendre de l’aide sociale quand on travaille ! A Neuchâtel, environ 10 % des dossiers de l’aide sociale sont ouverts pour des personnes qui travaillent à plein temps. 

 

4000 fr./22 fr. l’heure: un minimum salarial cantonal correspondant aux normes du Tribunal Fédéral

Dans un arrêt du 8 avril 2010 sur le salaire minimum cantonal, le TF indiquait que «les montants des salaires minima (…) devront se situer à un niveau relativement bas, proche du revenu minimal résultant des systèmes d’assurance ou d’assistance sociale sous peine de sortir du cadre de la politique sociale pour entrer dans celui de la politique économique, et, donc, d’être contraires à la liberté économique».

A Neuchâtel, une commission extraparlementaire travaille sur un projet de loi élaborée par les syndicats et toute la gauche unie, et les calculs ont été faits : un salaire minimum fixé à 22 francs l’heure est dans la cible exacte des normes établies par le TF. Certes les 4000 francs ne suffiraient pas pour une famille monoparentale, travaillant loin du domicile, vivant en ville de Neuchâtel avec un enfant à charge, mais une partie des personnes qui dépendent de l’aide sociale tout en travaillant à plein temps pourraient se libérer de l’aide sociale, et toutes en sortiraient au moins partiellement. Selon les chiffres officiels,  en tenant compte de l’ensemble des frais pris en charge par l’aide sociale pour une mère seule avec un enfant, c’est de plus de 5000 francs bruts par mois qu’elle aurait besoin pour avoir un revenu disponible équivalent à ce qu’elle toucherait à l’aide sociale. 

Malgré les hauts cris de nos adversaires, on le voit, les 22 francs de l’heure, qui correspondent aussi à ce que demande l’initiative fédérale, ne sortent de loin pas du cadre de la politique sociale. C’est un minimum, en-dessous duquel il ne sera pas possible d’aller, si on veut respecter la volonté populaire. 

Le canton de Neuchâtel sera-t-il le premier à instaurer une loi garantissant un salaire minimum à 4000/22 francs ? Il est trop tôt pour le dire, et les adversaires utiliseront sans doute tous les moyens à leur disposition pour empêcher la concrétisation du principe constitutionnel. Mais les auteurs du projet de loi neuchâtelois ont tenu compte aussi bien des arguments des opposants que des critères du TF. L’instauration du droit à un salaire minimum de 4000/22 francs l’heure est maintenant bien lancée?; c’est un long combat, comme l’a été celui pour la protection sociale ou l’assurance-chômage, mais qui sera gagné.

 

Henri Vuilliomenet

 

 

 


Impact probable de l’introduction d’un salaire minimum fixé à 4000/22 francs l’heure dans le canton de Neuchâtel

(Estimations basées sur des données disponibles à l’OFS)

 

Nombre de personnes concernées dans le canton :  environ 5000

— Coût total de l’introduction d’un salaire minimum, tous employeurs confondus : environ 20 millions

— Gain moyen pour les bénéficiaires (working poors) : environ 300 francs par mois

— Gain pour l’Etat : au niveau des impôts et de l’aide sociale, un bilan à chiffrer plus précisément, mais qui ne peut être que positif :

— L’assiette fiscale augmentera nécessairement, à hauteur de 3 à 4 millions supplémentaires par an. 

— Le nombre de personnes à l’aide sociale ou la part qui leur revient baissera considérablement, ce qui sera tout bénéfice pour l’Etat et justice pour tous les contribuables du canton.

— L’aide de l’Etat pour les  subsides aux primes d’assurance maladie baissera elle aussi, même s’il s’agira de tenir compte des effets de seuils.

— Sur le long terme les prestations complémentaires baisseront elles aussi, puisque les retraité·e·s parviendront à des rentes plus élevées

 

— L’augmentation des salaires (à hauteur de 20 millions env.) entraînera une augmentation de la consommation, qui aura des répercussions positives sur l’activité économique.

— Secteurs économiques concernés :

— La très grande majorité des « working poors » travaillent dans l’économie dite captive (qui ne disparaîtra pas du canton par la force des choses) : plus de 60 % des « working poors » travaillent en effet dans les commerces de détails, la  restauration, les services de nettoyages, les soins corporels, qui seront toujours nécessaires.

— Les secteurs qui font la force du canton (horlogerie, métallurgie, médical) ne sont que très faiblement concernés par cette loi; dans l’horlogerie par exemple, les salaires sont à plus de 98 % au-dessus de 4000 francs.

— Administration cantonale : très marginalement concernée : les salaires sont à plus de 99 % au-dessus de 4000 francs.