une initiative fédérale qui vient à point

une initiative fédérale qui vient à point : «Pour des retraites sûres et solidaires»

Le mouvement solidaritéS, qui proposait déjà en 2008 dans nos colonnes les grandes lignes d’un modèle de fusion AVS–2e pilier, a adopté formellement sa proposition d’initiative populaire fédérale « Pour des retraites sûres et solidaires » lors de son Congrès interrégional du 2 mars dernier à Genève.

Rappelons que lors du Congrès de La Gauche, tenu il y a deux ans à Zurich, nous avions déjà défendu une telle proposition et que si ledit congrès avait opté pour le lancement immédiat de l’initiative pour la suppression des forfaits fiscaux, qui a abouti en octobre dernier, il avait – par ailleurs – décidé de mettre cette proposition en deuxième place sur son « agenda ».

Aujourd’hui, solidaritéS a mis au point et validé un modèle financier qui tient la route pour sa proposition, et la situation apparaît d’autant plus mûre pour une telle initiative que les problèmes du deuxième pilier se révèlent criants, comme l’ont notamment mis en lumière les débats autour des recapitalisations forcées des caisses de pension publiques, à Genève et dans le canton de Vaud notamment, et que l’offensive contre les retraites bat son plein.

Dans ce contexte, nombre de forces politiques et syndicales vont globalement dans le même sens. Nous signalions par exemple récemment, en la discutant dans nos colonnes, la position des JSS/JUSO adoptée en décembre. Le Parti Suisse du Travail tenait une conférence publique à ce sujet et allant dans ce sens le 9 mars dernier à Neuchâtel. D’autres milieux y réfléchissent.

 

Un lancement en chantier

Quoi qu’il en soit, le travail de construction d’un front à l’échelle nationale, et d’un réseau de collectifs locaux ou régionaux concrets capables de lancer et de faire aboutir une telle initiative, est évidemment en chantier. solidaritéS se fixe un horizon de six mois à un an pour le concrétiser, par un travail de discussion et de contacts à l’échelon local et national avec toutes les forces politiques, syndicales ou associatives intéressées.

Le lancement la semaine dernière par l’Union Syndicale Suisse avec le soutien de bien d’autres organisations, de l’initiative fédérale dite « AVS Plus », qui propose un supplément de 10 % sur les rentes AVS, est une occasion bienvenue et une opportunité pour élargir le débat. solidaritéS soutiendra évidemment cette initiative comme marquant une volonté nécessaire de contre-offensive sur le terrain des retraites et de reconnaissance et de consolidation de l’AVS. Mais nous soulignerons dans ce cadre la nécessité d’aller plus loin, vers une remise en cause radicale du système de retraites par capitalisation incarnée par le deuxième pilier en optant pour un système de répartition avec fond de réserve.

 

Le droit fondamental à une retraite suffisante

Dans ce sens, le texte proposé de notre initiative « Pour des retraites sûres et solidaires » est le suivant :

 

Afin de respecter le droit fondamental de chaque personne de disposer d’une retraite garantissant la satisfaction des besoins fondamentaux au travers d’une prévoyance vieillesse suffisante, sociale et solidaire, les autorités fédérales élaborent dans les 2 ans qui suivent l’acceptation en votation populaire de cette initiative un projet de loi qui met en place la fusion de l’AVS, de l’AI et du deuxième pilier dans un système de répartition avec fond de réserve qui  garantit :

 

Une rente vieillesse ou invalidité égale à 80 % du dernier revenu, avec pour chaque habi­tant·e un minimum de 3500 francs mensuels et un maximum de 3 fois ce montant, compte tenu des années de cotisation, du taux moyen d’activité, des compensations pour les tâches d’éducation et des accords internationaux. 

Une indexation annuelle de ces rentes à l’évolution du coût de la vie.

Un financement assuré aux deux tiers par l’employeur et un tiers par l’employé, et par l’Etat pour les personnes sans emploi.

Le maintien intégral des prestations statutaires acquises actuellement par les employé·e·s. 

Une gestion souple et démocratique qui maintient les institutions de prévoyance sans but lucratif actuelles et les droits des em­ployé·e·s dans cette gestion.

 

 

Un modèle réaliste et des réponses indispensables

 

A l’appui de ce texte, il faut souligner que cette proposition répond:

 

A la diminution continue depuis 10 ans des retraites fournies par le 2e pilier : un·e tra­vail­leur·euse qui avait 40 ans en 2003 verra sa retraite quasiment divisée par 2 en 2028, suite aux diminution du taux de rendement, du taux de conversion, du taux technique et de l’introduction d’une réserve de fluctuation de valeur.

Au mensonge sur le coût insupportable résultant de l’augmentation de l’espérance de vie. Celle-ci est de 0,5 % par an, alors que l’augmentation des richesses, mesurées par le PIB, a été en moyenne de 3 % depuis 25 ans, soit 6 fois plus !

A la volonté de retourner pour la majorité des salarié·e·s à une primauté des prestations, avec une retraite en fonction du dernier salaire, et non une retraite qui dépende du bas de laine accumulé, laissant le travailleur assumer tous les risques boursiers.

A la nécessité d’indexer des rentes, ce que le 2e pilier fait de moins en moins.

A la volonté de donner une place prépondérante à la solidarité dans la prévoyance vieillesse, avec des rentes minimales et maximales et un système basé sur la répartition.

A la volonté de se rapprocher de l’égalité hommes-femmes, sachant qu’actuellement la rente moyenne des femmes qui ont droit au 2e pilier est la moitié de celle des hommes !

 

Enfin, il faut souligner que ce modèle n’a rien d’utopique : nos calculs démontrent que ce modèle est tout à fait possible. Ainsi, à partir des données pour l’année 2010, il offre une rente mensuelle moyenne de 5131 francs et finit l’année avec un boni de près de 16 milliards !

 

Pierre Vanek