Hausse brutale de la radioactivité à Fukushima

Ce 9 juillet Masao Yoshida, ancien directeur de la centrale nucléaire de Fuksuhima, est décédé à l’âge de 58 ans. L’exploitant de la centrale Tepco refuse de faire le lien entre son cancer et les radiations. Le lendemain on apprenait l’explosion des taux de radioactivité à Fukushima.

Yoshida a « géré » la catastrophe et la crise sans précédent de mars 2011 dans des conditions terribles, en s’opposant parfois aux directives incohérentes ou aux lenteurs de son entreprise. Il aurait même désobéi à des ordres dangereux selon lui et a peut-être évité que la situation ne devienne encore plus incontrôlable. Il avait toutefois dû abandonner son poste fin 2011, lors du diagnostic de son cancer de l’œsophage pour lequel son employeur nie – évidemment – toute responsabilité.

Le lendemain de son décès, ce 10 juillet, la Tepco, annonçait avoir mesuré la veille, dans un forage entre réacteurs et bord de mer, une nouvelle augmentation des taux de césium radioactif dans la nappe phréatique. Ils atteignaient 22 000 becquerels par litre d’eau (Bq/l) pour le césium 137 et 11 000 Bq/l pour le césium 134. Le 8 juillet, ces niveaux étaient déjà de 18 000 et 9 000 Bq/l, soit 86 et 99 fois plus que les taux relevés trois jours auparavant.

Le 5 juillet, Tepco avait déjà signalé, au même endroit, un taux astronomique de 900 000 Bq/l d’un autre radioélément, le strontium 90. Un niveau des dizaines de milliers de fois supérieur à la dose limite admise pour de l’eau de mer.

 

Nappe phréatique contaminée et océan menacé

L’explication de la brusque montée des teneurs en césium pourrait être la lente migration souterraine, via la nappe phréatique, de produits de fission arrachés aux cœurs fondus des réacteurs sinistrés, dans les jours et semaines suivant l’accident.

En effet, les cœurs des réacteurs 1, 2 et 3 de Fukushima (les tranches 4 à 6 étaient à l’arrêt) ont fondu en totalité ou en partie dès les premières heures de la catastrophe et le corium (magma brûlant de matière fissile et de gaines métalliques), après avoir percé les cuves des réacteurs, s’est répandu au fond des enceintes de confinement où il s’est agrégé au béton. Ce corium contenait – et contient toujours – un cocktail de centaines de radionucléides formant les produits de fission, c’est-à-dire les « cendres » de la réaction nucléaire. Parmi eux, des éléments solubles dans l’eau comme le césium 134 ou 137.

Or, depuis deux ans, les trois réacteurs ont été noyés sous un déluge. Pour les refroidir, Tepco y injecte, en continu, 5 m3 d’eau douce par heure et par réacteur. Des centaines de tonnes d’eau par jour qui s’écoulent dans les sous-sols des bâtiments, les galeries et tranchées du site nucléaire, où la hauteur de l’eau atteint plusieurs mètres. Cette masse liquide contaminée est censée être pompée et traitée afin d’en extraire certains éléments radioactifs – mais pas tous – avant d’être réinjectée dans le circuit de refroidissement.

Or la centrale est située sur une nappe phréatique qui, au contact des bâtiments contenant les eaux contaminées, a dû se charger elle aussi en radionucléides. Pour contrôler l’état radiologique de cette nappe, Tepco a creusé, en front de mer, des puits de prélèvement. C’est dans l’un de ces forages qu’a été mesurée la hausse brutale des teneurs en césium 134 et 137.

Selon un scénario avancé par l’IRSN français, ces deux produits de fission seraient bien passés dans la nappe phréatique – et avec eux sans doute d’autres radio­éléments – pour rejoindre, au bout de deux ans, la côte, à environ cent mètres des réacteurs. Le risque principal est une nouvelle contamination radioactive de l’océan. «Nous ne sommes pas pour le moment en mesure de dire si l’eau contaminée s’écoule ou non dans la mer», a admis Tepco. L’exploitant a entrepris d’installer, entre le site nucléaire et l’océan, une paroi enterrée étanche. Mais elle ne sera pas achevée avant mi-2014.

 

Ce n’est qu’un début: la catastrophe continue

Ces dernières semaines confirment la difficulté de Tepco à résoudre le problème de l’évacuation des eaux radioactives. Or ce n’est pas le seul défi que doit relever l’électricien. Il lui faut aussi vider les piscines d’entreposage des combustibles, situées dans les parties supérieures des bâtiments des réacteurs gravement endommagées. A commencer par celle du réacteur 4, dont l’état est critique. Il faudra ensuite retirer les combustibles fondus des réacteurs. Quant au démantèlement complet, il exigera plus de 40 ans.

Entretemps, le Japon va traverser une nouvelle période d’absence totale d’énergie nucléaire. A partir de septembre les deux seuls réacteurs en service seront stoppés pour maintenance et avant que d’autres ne soient redémarrés.

L’autorité de régulation nucléaire a donné son accord pour que les deux réacteurs 3 et 4 de la centrale d’Ohi, les deux seuls actuellement exploités, puissent continuer de fonctionner même après l’entrée en vigueur de normes plus strictes lundi 8 juillet. Mais ces deux tranches doivent subir une période d’entretien à compter de septembre et devront donc être de nouveau coupées pour une durée d’au moins trois mois, sans compter la période ensuite requise pour des examens de conformité aux nouvelles exigences.

Parallèlement, la probabilité pour que soient remises en service d’ici à septembre d’autres réacteurs actuellement touts stoppées est quasi nulle, compte tenu des procédures imposées par l’application de nouveaux standards de sûreté. Du coup, le Japon, qui a connu une période zéro nucléaire de mai à juillet 2012, se retrouvera dans la même situation dès septembre.

De quoi vous motiver pour participer à la marche internationale Pour sortir du nucléaire et pour la paix du 1er au 28 juillet dans la vallée du Rhône de Narbonne au Bugey ? Si oui, allez voir les infos à ce sujet sur www.sortirdunucleaire.org

 

Pierre Vanek