Aide sociale

Aide sociale : Le Conseil d'État s'attaque au lard du chat

Dans son point de presse du 11 juin dernier, le Conseil d’Etat genevois annonçait sa décision de réduire dès le 1er septembre le forfait d’intégration des personnes à l’aide sociale et de le faire passer de 300 à 150 francs.

Soit, pour une personne, une diminution de près de 12 % du montant dévolu au budget-ménage des plus pauvres du canton. Une proportion plus pénalisante encore pour un couple?; car si la diminution est doublée, le montant de base n’est multiplié quant à lui que par un coefficient de 1,53. C’est-à-dire pour ceux-là une baisse de plus de 20 % du budget-ménage. Et que l’on ne vienne pas nous dire que cette somme ne fait pas partie du minimum vital. En effet, ce n’est que par une artifice douteux qu’a été introduite en 2006 la notion d’« aide au mérite » en retranchant les 300 francs en question du minimum vital pour les octroyer en retour sous condition d’atteinte d’objectifs.

 

Demi-carotte, mais bâton toujours entier

 

Aujourd’hui, le Conseil d’Etat et le conseiller d’Etat MCG Mauro Poggia en charge du social, franchissent sans scrupules une étape supplémentaire. Ils diminuent la carotte de moitié, mais agitent toujours aussi furieusement le bâton, comme en atteste l’arsenal de pénalisations prévu dans la loi et les procédures et comme le prouve l’accroissement des avertissements et des sanctions dans le domaine de l’Aide sociale.

Après avoir martelé son concept de l’incitation à la réinsertion par une prime aux efforts d’intégration – ceci au moment même où les possibilités réelles d’insertion étaient réduites à une portion congrue – le Conseil d’Etat attente encore plus violemment au minimum vital. Que faudrait-il en déduire selon sa logique ? Qu’il y a moins de mérite à faire des efforts ? Pour moitié au moins ? Ou qu’il y aurait moins de perspectives d’insertion ? A quoi bon dès lors sanctionner de vains efforts ?

Dans le contexte économique et social que nous connaissons, de mondialisation capitaliste, de crise et de chômage structurel, la majorité politique de ce canton estime qu’elle n’est pas tenue de donner des réponses qualitatives à des phénomènes persistants comme le chômage de longue durée. Pire, elle se permet de supprimer le peu qui existe. Ainsi en a-t-il été du RMCAS, le revenu minimum pour les chômeurs-euses en fin de droits.

Rappelons aussi que les montants d’aide sociale n’ont pas été indexés depuis des années. C’est pire encore pour les loyers pris en compte qui n’ont pas été révisés depuis 2001 ! A noter que le Conseil d’Etat n’applique pas la Loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle (LIASI) telle que votée le 11 février 2011. Il n’a pas relevé comme il le devait les maxima de loyers, ni appliqué la règle de franchises sur le revenu. Ce sont les bénéficiaires de l’aide sociale qui en pâtissent et qui, pour une bonne part, doivent prendre sur leur budget ménage pour compléter le loyer pris en compte jusqu’à concurrence de leur loyer effectif.

 

Un gouvernement sans vergogne

 

Ne nous laissons pas abuser par le fallacieux prétexte invoqué d’harmonisation intercantonale. Les réalités cantonales s’avoisinent, elles ne se ressemblent pas. Le Conseil d’Etat entend économiser 9 millions qu’il prétend vouloir dédier à une mesure d’insertion. Depuis quand les personnes à l’aide sociale doivent-elles financer les mesures d’insertion qui leurs sont indispensables par une indécente ponction sur leur minimum vital ? Que sont devenus les fonds de l’Office cantonal de l’emploi affectés à la réinsertion, qui au moment du vote sur la LIASI, ont été transférés à l’Hospice général ?

Baisser le forfait d’intégration, revient à ramener notablement l’Aide sociale en dessous du seuil de « saisissabilité » de l’Office des poursuites. Dans la Genève des droits humains, dans la Genève à la prospérité et au bien vivre tant vantés, s’attaquer aux plus dé­mu­ni·e·s est un déni du droit garanti par la constitution genevoise à un revenu d’existence suffisant. Le préambule de la constitution fédérale stipule quant à lui que «la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres». Dont acte. Face à l’iniquité de la décision du Conseil d’Etat, une seule réponse s’impose : resserrer les rangs de tous ceux et celles qui s’opposent l’injustice sociale pour dénoncer et combattre cette mesure inepte et injuste.

 

Jocelyne Haller