Droit d'asile

Droit d'asile : Le grand bêtisier

Lors de la campagne sur la révision du droit d’asile, un certain nombre d’arguments relevaient, le plus souvent consciemment, du grand n’importe quoi. Le Comité pour la sauvegarde du droit d’asile en a relevé quelques-uns, auxquels il répond également. En voici de larges extraits.

La mention, dans le bilan du Centre test de Zurich, d’un raccourcissement des procédures de 77 jours a beaucoup impressionné et quasiment tous les médias l’ont reprise, sans mentionner la remarque de bas de page qui précise «Ont seuls été pris en compte, pour calculer la durée de la procédure jusqu’à la décision, les cas dans lesquels la décision est devenue exécutoire durant la période sous revue». Mais comment peut-on calculer une durée moyenne significative, si on écarte les procédures qui ne sont pas terminées, c’est à dire les plus longues? Et puis, 77 jours, sur les 1400 jours en moyenne avec lesquels on a justifié le lancement de la révision de la loi sur l’asile, c’est une baisse de 5 %! Tout ça pour ça? Mais voilà qu’on nous assure qu’avec ce chiffre trafiqué de 77 jours de moins, l’accélération des procédure est de 39 %. La véritable durée de la procédure normale n’était donc que de 197 jours (77/39 %)! Qui disait que l’on prenait les électeurs pour des imbéciles?

Annette Dubois

La Fédération des Eglises protestantes de la Suisse (FEPS), dans sa prise de position du 21.4.2016, avoue à demi mot ce que personne, du côté de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) et de ses membres (Amnesty, Caritas, Entraide protestante, etc.) n’a le courage de dire: «les services de consultation juridique… sont fortement surchargés… En raison de la situation financière des œuvres d’entraide, les Eglises et les œuvres d’entraide ecclésiales, aucune assistance juridique ne peut être offerte (dans de nouveaux lieux)… Si l’Etat veut accélérer la procédure… il doit prendre les frais supplémentaires… à sa charge». En bref, l’OSAR, ses membres et les Eglises soutiennent la nouvelle loi parce qu’ils en attendent d’importantes subventions pour poursuivre leur activité.

Economiesuisse, s’est risquée le 2.5.2016 à publier un «dossier politique» sur la révision de la loi sur l’asile. On y lit que celle-ci «garantit que les principes de l’Etat de droit soient respectés également avec des procédures beaucoup plus rapides». Une affirmation qui sort nettement du champ de compétence d’Economiesuisse. Mais c’est pour y revenir sept lignes plus loin en expliquant que «les représentants légaux, au bénéfice [sic] d’une rémunération forfaitaire, n’ont aucun intérêt à prolonger les procédures». Et là, les milieux économiques sont parfaitement compétents. Ils ont bien compris que la question du financement, entièrement contrôlée par les autorités, permettra d’étouffer dans l’œuf le zèle éventuel de ces «représentants légaux». […]

Isabelle Moret, conseillère nationale et vice-présidente du PLR, est quant à elle très catégorique: lorsqu’elle annonce dans 24 Heures le 13.5.2016 «Une nouvelle positive pour les réfugiés. Finis les longs mois d’attente dans les centres cantonaux». Elle oublie juste d’ajouter «Bonjour les longs mois d’attente dans les grands centres de la Confédération» (avec une assistance en nature et toutes les mesures sécuritaires nécessaires pour contrôler plusieurs centaines de résidents).

Le 14.5.2016, Denise Graf, spécialiste de l’Asile à Amnesty, dont la section suisse est membre de l’OSAR, ne tarit pas d’éloges sur la protection juridique assurée à tous les requérants d’asile, laquelle compense, quasiment à elle seule, tous les durcissements. «Le travail est remarquablement bien fait», déclare-t-elle tout de go, sans faire la moindre allusion au fait qu’une vingtaine d’arrêts du Tribunal administratif fédéral (TAF) démontrent au contraire de graves dysfonctionnements dans la nouvelle procédure et le système d’ «aide» juridique sur lequel elle se fonde.

Dans l’opinion datée du 10.5.2016 de sa directrice, Manon Schick, la section suisse d’Amnesty International ne retient finalement que quatre points positifs à l’appui de son «Oui critique»: l’information aux requérants, l’obligation de prendre en compte les besoins particuliers des mineurs, des familles avec enfants, des personnes âgées et des handicapés, et le fait que «les cantons auront l’obligation légale de scolariser les enfants hébergés dans les centres fédéraux». Le problème, c’est que l’instruction publique gratuite et obligatoire pour tous les enfants est déjà prescrite par la Constitution fédérale et les législations cantonales. Le nouvel article 80 al 4 LAsi prévoit comme seule nouveauté une dérogation de taille: «au besoin, l’enseignement est dispensé dans le centre (de la Confédération)». En clair, ce point positif consiste à permettre une ségrégation des enfants requérants d’asile, qui pourront être exclus des établissements scolaires ordinaires. On a connu Amnesty mieux avisé au chapitre des droits humains.

Quant au conseiller national Philipp Müller, qui vient de quitter la présidence du PLR, il montre bien que les milieux qu’il représente soutiennent la révision comme la corde soutient le pendu: «le message du gouvernement est que nous devons intégrer ceux qui nous arrivent. Je crois que nous échouerons… Beaucoup sont d’une culture totalement étrangère (à la nôtre)» (Tages Anzeiger du 4.5.2016).

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