Kiev

L'égalité derrière les barrages

L’égalité derrière les barrages

Le 12 juin a pris place à Kiev la plus grande LGBT Pride de l’histoire de l’Ukraine, appelée dans les médias «La marche de l’égalité».

Près de 2000 personnes (chiffre sans précèdent, ces marches ne rassemblant jamais plus de 200 personnes jusque-là) sont sorties dans les rues pour dire non à l’homophobie et à la discrimination des minorités. Il s’agissait principalement de personnes LGBT, mais aussi des militant·e·s des droits de l’homme, des député·e·s libéraux, la gauche radicale, des féministes et des personnes en situation de handicap. La forte présence d’hétéro­sexuel·le·s venues en appui aux militant·e·s LGBT a été la différence principale de cette édition par rapport aux mobilisations antérieures. La déclaration inacceptable du porte-parole de l’Organisation des nationalistes ukrainiens, qui avait promis de transformer la manifestation en «bain du sang», a élargi de fait le cercle des sympathisants de la Pride bien au-delà de la communauté gay. Ce qui était au départ une marche pro-LGBT s’est ainsi transformé en une manifestation contre les néo-fascistes qui veulent imposer leur propre version de la société.

Plus de monde, moins de violence

La plus grande manifestation en faveur des LGBT de toute l’histoire de l’Ukraine a également été la moins violente. L’année dernière, plusieurs manifestant·e·s et policiers avaient été grièvement blessé·e·s par les néo-nazis. Fortes de cette expérience, les autorités de la ville ont décidé de mobiliser 5000 policiers pour assurer la sécurité des manifestant·e·s.

Pour les organisateurs de la Pride, la manifestation a été un succès qui a consolidé l’avant-garde politique et pourrait ouvrir la voie à l’adoption de lois importantes contre la discrimination des personnes LGBT. Le déroulement pacifique de la marche, protégée par un cordon policier mobilisé en grande partie sur pression des politicien·ne·s et des diplomates européens, peut bien sûr être considéré comme une victoire pour les militant·e·s des droits de l’homme et pour la communauté gay. On peut néanmoins douter de son impact sur la société ukrainienne, qui reste profondément homophobe. La crise économique, la guerre avec la Russie, la militarisation de la société, l’influence croissante de l’église créent un terrain fertile pour la croissance de l’homophobie et de la xénophobie. Et dans ces conditions, la lutte pour l’égalité de tous et toutes en Ukraine demande une consolidation de toutes les forces politiques et associatives progressistes qui partagent une idée très simple formulée par Albert Camus: «La liberté est un bagne aussi longtemps qu’un seul homme est asservi sur la terre.»

Adelaïde Pougatchiova