Pour les entreprises, ils trouveront des millions, mais pour les retraités, il n'y a jamais un rond!

La traditionnelle manifestation syndicale de la rentrée se tiendra le 10 septembre prochain à Berne. Campagne pour la votation AVSplus oblige, les centrales syndicales se sont enfin décidées à faire une place de choix à la thématique des retraites, dans un appel à manifester qui se penche également sur les politiques d’austérité en lien avec le référendum RIE 3. Une occasion de mobiliser largement les secteurs privés et publics dans une lutte commune contre un paquet Berset toujours en discussion et pour le maintien des prestations publiques à la population.

En 2015,  l’organisation d’une manifestation nationale contre le plan Berset avait été refusée, donnant lieu à une mobilisation conjointe de la Communauté Genevoise d’Action Syndicale et de l’Union Syndicale Vaudoise qui s’était traduite par une manifestation à Lausanne le 30 mai. Après le 8 mars 2015, lors duquel l’USS avait fait disparaître les revendications contre l’élévation de l’âge de la retraite des femmes derrière l’égalité salariale, on n’osait encore croire que la thématique pourrait être remise à l’agenda.

Un peu plus d’un an après, il semble donc que les espoirs de dealer autour de l’égalité salariale ou d’une augmentation des rentes AVS de septante francs se soient envolés. Une situation qui encourage les centrales syndicales à se repositionner pour préparer la votation AVSplus qui aura lieu deux semaines après les mobilisations du 10 septembre.

Renforcer l’AVS, mais conserver un système à deux vitesses?

Lancée en 2012, dans une perspective de troc autour du projet de réforme de la prévoyance vieillesse selon les mauvaises langues qui persiflent de par chez nous, l’initiative AVSplus n’aura finalement pas été retirée, malgré un long suspens. Projetant une augmentation des rentes AVS de 10%, l’initiative va dans le sens d’une plus juste redistribution entre retraité·e·s en favorisant la partie solidaire du système de retraite suisse, qui s’avère de fait la moins discriminante pour les travailleurs·euses les plus précaires, au premier rang desquels les femmes.

La remise en cause du système à deux piliers, et des inégalités qu’il continue d’engendrer à travers le système de capitalisation par tête, semble toutefois encore loin, comme en témoigne l’appel à la mobilisation du 10 septembre pour stopper la baisse des rentes et renforcer l’AVS. Un appel dont on relèvera également qu’il se focalise sur la récente proposition de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national d’introduire un mécanisme d’intervention fixant l’âge de la retraite pour toutes et tous à 67 ans, tout en passant sous silence que le projet initial, et la version définitive qui pourrait encore sortir des Chambres fédérales, proposait un relèvement unique de l’âge de la retraite des femmes d’un an.

Un silence qui s’avère particulièrement significatif quand on sait que les partis de gauche représentés au niveau fédéral avaient accepté le paquet ainsi proposé et que le Président de la plus grande faîtière syndicale de Suisse appelait alors à en faire de même, en échange d’une maigre augmentation des rentes AVS.

Protéger les salaires, combattre les cadeaux fiscaux aux entreprises et…sauver la place industrielle suisse?

Autres thèmes phares de la manifestation, la protection des salaires et la lutte contre les cadeaux fiscaux aux entreprises s’insèrent en toute logique dans l’actualité, tant en terme de pression pour une amélioration des mesures d’accompagnement suite à la votation du 9 février 2014, qu’en réaction à la récente adoption par le Parlement du projet de la troisième réforme de l’imposition des entreprises qui conduirait à une perte de rentrées fiscales de plusieurs milliards de francs pour la Confédération, les cantons et les communes. Un déficit pour les caisses publiques qui se traduirait inévitablement par le renforcement des politiques d’austérité déjà à l’œuvre, dont les retraité·e·s les plus précaires auraient immanquablement à souffrir.

La liste des sous-thèmes de la manifestation réserve toutefois quelques surprises. On retrouve ainsi dans l’appel à manifester d’Unia la nécessité de «sauver la place industrielle suisse», au travers d’une énième revendication adressée à la BNS de réintroduire un taux plancher pour l’Euro. Un appel dont on peine à comprendre la place au côté des autres mots d’ordre, si ce n’est de relayer le Manifeste pour une Suisse industrielle pondu par le responsable nationale d’Unia pour le secteur de l’industrie et Conseiller national Corrado Pardini (solidaritéS nº 290).

Un premier pas vers la contestation de l’austérité programmée

Au-delà du contenu bien insuffisant de l’appel des centrales syndicales, qui s’offre le luxe de croire que des marges de manœuvre dans la discussion avec la bourgeoisie sont encore possibles, cette manifestation intervient à un moment clé et doit être pour nous une priorité. En effet, qu’il s’agisse de l’offensive contre le système de retraite incarné par le paquet Berset ou des énormes cadeaux fiscaux aux entreprises qui assécheront les caisses publiques et justifieront des politiques d’austérité que prévoit la RIE 3, les dégradations massives des conditions de vie des travailleurs·euses n’ont jamais été autant à l’ordre du jour.

Ainsi, à l’instar de la manifestation anti-austérité du 28 mai à Genève, nous devons réunir de larges secteurs de la société et construire une réelle opposition à ces politiques néolibérales. Avec les travailleurs·euses du public comme du privé, les associations d’usagers·ères, les milieux culturels, les étudiant·e·s et bien d’autres, nous devons faire de ce 10 septembre un moment fort de mobilisation, qui servira de point d’appui à la construction d’un front de lutte contre l’austérité au niveau national. Mobilisons-nous et soyons présents toutes et tous à Berne pour combattre le Paquet Berset, la RIE 3 et pour faire valoir nos alternatives!

Ezequiel Cruchid