L'heure de vérité pour les comptes neuchâtelois
Le Conseil d’Etat a communiqué les estimations alarmistes de l’administration sur l’évolution du budget. «La première évaluation des comptes 2016, établie à fin mai, laisse entrevoir un déficit nettement supérieur au budget. Par rapport au déficit de 14,4 millions de francs adopté par le Grand Conseil en décembre 2015, l’estimation du compte de fonctionnement présente un excédent de charges de 74,5 millions de francs, soit une détérioration de 60,1 millions. Les perspectives pour les prochaines années sont tout aussi inquiétantes. Le Conseil d’Etat présentera un nouveau plan d’économies en accompagnement du budget 2017 et du plan financier 2018-2020.»
Jean Studer (PS) a été le pilier de la réforme fiscale qui déploie actuellement ses effets néfastes
Cause principale de cette perte supplémentaire de 60 millions: «le recul très important des rentrées fiscales qui s’élève à 36 millions, particulièrement dans le secteur des personnes morales.»
Langue de bois
Le Conseil d’Etat, par la voix de L. Kurth (ministre des Finances, socialiste), s’est dépêché de déclarer dans les médias que la réforme, qui a baissé le taux d’imposition des entreprises de 22,2 % à 15,6 %, n’est pas en cause, qu’elle est justifiée et que c’est un faux débat.
En mai 2015, c’était la même chanson. Dans un rapport dithyrambique sur les effets de cette réforme, le Conseil d’Etat annonçait: «Le postulat de 2 010 se révèle aujourd’hui correct. La réforme est en effet une réussite au double plan économique et financier […] Les recettes fiscales provenant des entreprises ont fait un bond sensible et se stabilisent aujourd’hui à un niveau nettement supérieur à ce qui prévalait avant 2010, dépassant même nettement les prévisions […] Outre les conséquences positives sur les recettes publiques, les nouvelles conditions-cadres se révèlent attractives pour les entreprises, à témoin les investissements et les engagements de personnel consentis par bon nombre d’entre elles pour développer leurs activités sur le sol cantonal.
Au niveau suisse, cette réforme est citée en exemple. Elle s’est révélée compatible avec les nouveaux standards internationaux et est dès lors reprise par de grands cantons dans leur stratégie de réponse à l’abandon des statuts, élément central de la troisième réforme fédérale de la fiscalité des entreprises.»
En 2011, Jean Studer (PS), alors conseiller d’Etat et pilier de la réforme fiscale qui déploie actuellement ses effets néfastes, contredisait déjà haut et fort celles et ceux qui prédisaient d’importantes pertes pour les caisses de l’Etat, en affirmant qu’«il n’y aura aucune perte fiscale, au contraire des millions de recettes supplémentaires tomberont dans les caisses du canton et des communes».
A l’époque, la campagne mensongère des partisans de la baisse d’impôts a de toute évidence brouillé le débat et induit la population en erreur: le 23 juin 2011, le projet de réforme de la fiscalité, élaboré par le Conseil d’Etat et soutenu par les partis politiques dominants, PS, PLR et UDC, visant à diminuer de moitié l’impôt sur les entreprises, fut dès lors largement accepté par les électrices et électeurs, refusant du coup le référendum que solidaritéS avait contribué à faire aboutir.
Après avoir camouflé pendant trois ans les effets réels de cette réforme et tout en niant l’évidence – à savoir que cette baisse des impôts des personnes morales nuit à la collectivité parce qu’elle vide les caisses de l’Etat – c’est aujourd’hui un appel général à se serrer la ceinture, adressé aussi bien au personnel de l’administration cantonale qu’à toute la population du canton que lancent sans scrupule les partisans de cette réforme en faveur du capital.
Le Conseil d’Etat ne cache plus que la situation est grave. C’est vrai, mais à qui la faute? Plutôt que de passer la facture au peuple, nous attendons de sa part qu’il s’excuse pour les mensonges proférés à l’époque, et s’il est sincèrement inquiet, qu’il reprenne la question de la fiscalité sur le fond en renonçant aux cadeaux fiscaux accordés aux grandes entreprises, d’autant que si par malheur la réforme fédérale des finances RIE 3 devait entrer elle aussi en vigueur, il s’ensuivrait un nouveau trou creusé, plus profond, dans les caisses de l’Etat, et partant une remise en question encore plus aiguë de la politique sociale.
solidaritéS Neuchâtel