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Italie : Le Non l'emporte... - La lutte doit continuer!

La lutte doit continuer!

La population italienne a infligé dimanche soir un revers retentissant aux velléités plébiscitaires de Matteo Renzi et de son gouvernement. 59,1% des votant·e·s ont refusé la refonte de la Constitution. A minuit, une heure à peine après la fermeture des locaux de vote, Matteo Renzi a annoncé sa démission.


Manifestation contre le «Jobs Act», février 2015 – Ivan Crivellaro

Une participation record  pour ce type d’objet. Un peu moins de 70% d’Italien·ne·s (65,5% si on y ajoute les Italien·ne·s de l’étranger) sont allé·e·s voter cette fois-ci, contre 34% en 2001 et 53,8% en 2006. Du jamais vu pour ce type de consultation depuis une vingtaine d’années. Le non l’emporte pratiquement dans toute l’Italie avec des pourcentages particulièrement élevés dans le Sud ; en Sicile (71,2%), en Sardaigne (72,5%), en Campanie (68,4%) ou dans les Pouilles (67,2%). Dans le Nord, c’est en Vénétie, fief de la Lega Nord de Matteo Salvini, que le non fait son score le plus élevé (61,8%). Seules trois régions font exception: la Toscane de Matteo Renzi vote oui à 52,4%, l’Emilie Romagne à 50,3% et le Trentin à 57%. Sans surprise, les Italien·ne·s de l’étranger ont eux·elles aussi soutenu la refonte de la Constitution à 60,24% (La Repubblica, 6 décembre 2016).

« J’assume l’entière responsabilité de la défaite… »

En bref, 6 Italien·ne·s sur 10 ont dit non à Matteo Renzi en rejetant massivement la réforme qui était au cœur de son programme politique et des alliances qu’il avait passées, notamment avec Silvio Berlusconi, dès son arrivée au pouvoir en février 2014. Beaucoup ont insisté sur « l’erreur » du Président du Conseil d’en avoir fait sa bataille politique majeure, quitte à risquer sa place.

Il est vrai que la campagne a été menée tambour battant par Matteo Renzi, multipliant les publicités dans les rues, les meetings, les interviews et débats télévisés… Peu ont en revanche relevé que les Italien·ne·s n’ont pas seulement rejeté net Matteo Renzi, mais également les politiques qu’il a défendues et menées durant les 1000 jours de son gouvernement.

Sa démission est la conclusion logique de sa baisse grandissante de popularité auprès d’une population italienne qui s’appauvrit massivement. Une désaffection qui s’est récemment exprimée dans les urnes lors des élections administratives locales de juin dernier. Virginia Raggi et Chiara Appendino, deux jeunes femmes issues des rangs du Mouvement 5 étoiles (M5S), étaient alors largement élues, respectivement à la mairie de Rome et de Turin.

Le non de la révolte

Au sortir des urnes, les journalistes ont relevé chacun à leur manière la signification fortement politique de ce vote: un vote sanction. Mais de qui est constitué ce «peuple de la révolte» dont parlait le directeur du journal patronal La Stampa au sortir des urnes?

Selon les derniers chiffres, les chômeurs·euses se sont prononcé·e·s à plus de 70% pour le non ; une portion donc significative dans un pays où le taux de chômage est particulièrement élevé (11,6%). Ont également rejeté la refonte de la Constitution les indépendant·e·s (76%), catégorie assez floue qui peut renvoyer à toutes les personnes qui peinent à joindre les deux bouts (commerçant·e·s, conducteurs·trices de taxi, petite paysannerie, petits entrepreneurs·euses…) et parmi elles, le large secteur dit de la « débrouille ». A cela s’ajoutent les femmes au foyer (66%), c’est-à-dire celles qui mieux que quiconque connaissent les effets du food social gap (les écarts sociaux que reflète la part destinée à la nourriture dans le budget familial). Ainsi, selon Caterina Pasolini, au cours de ces 7 dernières années, cette dépense a diminué en moyenne de 12%, mais le taux monte à 19% dans les familles ouvrières et à plus de 28% pour les chômeurs·euses (cf. La Repubblica, 5 décembre 2016). C’est en particulier le cas dans le sud de la Péninsule (16,6% de moins), qui connaît également le plus fort taux de chômage.

Le non l’a aussi emporté dans la catégorie des plus jeunes, frappé·e·s de plein fouet par la crise. Plus de 61% des 18 à 29 ans se sont prononcés contre la refonte de la Constitution ; parmi ceux·celles-ci 58% d’étudiant·e·s. Un pourcentage qui monte à 69% pour les 30 à 44 ans. Finalement, les seul·e·s à s’être prononcés en faveur de la refonte sont les retraité·e·s (55%), probablement en particulier ceux·celles de l’étranger, sans doute largement influencés par leur presse locale.

Et maintenant

Il est évident que la constellation large du non va avoir de la peine à se saisir de l’opportunité politique qu’ouvre la chute du gouvernement. Comment une gauche de gauche va-t-elle pouvoir engranger les fruits de cette victoire? Là se situe le nœud du problème. Il s’agit bien entendu d’entendre la volonté populaire ; c’est-à-dire d’en appeler à la dissolution du Parlement et à un retour aux urnes rapides. Mais il s’agit aussi, quoi qu’en disent les médias, de prendre la mesure du vote qui vient d’avoir lieu. La discussion sur la Constitution n’a pas été oubliée lors des débats, la sanction a aussi porté sur les modifications au contenu du cadre légal de la République italienne. La population ne s’est donc pas uniquement fiée à son « ventre », comme le clamait le leader du M5S, Beppe Grillo, mais aussi à sa tête. On ne peut ainsi tout simplement exclure le fait que le vote de dimanche soit aussi l’expression d’une volonté politique projetée vers l’avenir. Une volonté qui peut offrir l’occasion, comme le soutient Sinistra anticapitalista dans son dernier communiqué, «de la reprise de la mobilisation sociale et des luttes sur les lieux de travail, dans les écoles, les universités, pour la défense des droits, de l’environnement et de l’amélioration de vie et de travail du plus grand nombre».

Stefanie Prezioso

Extraits d’un article publié originellement en espagnol sur le site Viento Sur