Place des nations, place des peuples
Editions Slatkine, 2017
Le photographe Demir Sönmez, d’origine kurde et arménienne, est de toutes les manifs genevoises, et c’est un grand plaisir de rencontrer son sourire cordial, puis de découvrir ses reportages. Il est donc souvent à la Place des Nations, pour couvrir les multiples rassemblements qui se tiennent devant l’ONU ou sous la chaise. «Cette place a une signification très forte, nous dit-il, elle matérialise à elle seule l’un des droits fondamentaux de l’être humain: le droit de manifester». Les militant·e·s du monde entier viennent exprimer leurs revendications et leurs droits, toujours observés avec solidarité et bienveillance par ce photographe militant dans l’âme.
En avril 2016, il avait réussi l’exploit de couvrir cette place des peuples d’une exposition de ses photos représentant précisément des manifestations tenues sur la place. Et de réunir pour son vernissage un nombre incroyable de politiques, tous unis dans l’admiration de son travail. L’exposition était bouleversante, insufflant la force et la dignité des militant·e·s et la diversité des causes: soutien au peuple grec, défense de la démocratie en Roumanie, contre la censure en Ukraine, contre la peine de mort, contre l’impunité des crimes franquistes, pour la liberté du Kashmir, Veggie Pride, pour les droits des handicapé·e·s… Chacun·e peut être concerné. La Turquie avait protesté officiellement contre la photo de la banderole dénonçant le meurtre d’un étudiant d’Istanbul: «Je m’appelle Berkin Elvan, la police m’a tué sur l’ordre du Premier ministre turc» .
La cinquantaine de photos exposées, plus une douzaine d’inédites, sont réunies aujourd’hui dans un beau livre. Il faut l’avoir chez soi, pour la beauté des témoignages, pour la mémoire des oppressions et celle de la liberté existante. Sur de nombreux clichés on reconnaît des camarades de solidaritéS, tiens donc!
Maryelle Budry
Carton rouge à Guillaume Barazzone
Le maire de la ville de Genève a refusé l’autorisation pour la prochaine exposition de photos de Demir Sönmez. Intitulée «La lutte sociale continue», l’exposition envisageait de retracer les luttes sociales menées dans ce canton entre 2010 et 2016. Les cendres de Rousseau doivent frémir dans leur urne au Panthéon. Rappeler la mémoire des mouvements sociaux de ce canton, quelle horreur! Et dire que Guillaume Barazzone croit qu’en interdisant l’évocation des conflits d’hier il va réussir à aseptiser le présent à son image. JB