Marchandisation électrique... à la lumière du black-out US
Marchandisation électrique… à la lumière du black-out US
Il y a un an, le 22 septembre, les citoyen-ne-s votaient NON à la libéralisation-privatisation du marché électrique, votée sous forme de loi (LME) par une majorité écrasante des Chambres, par une très large majorité des parlementaires du PS ou Verts, et défendue assidûment par le ministre néolibéral du PSS Leuenberger, dont les prestations… de démantèlement de la Poste sont connues.
Le référendum fut lancé par un petit noyau de «résistants» dont nous sommes fiers davoir été, un groupe qui ne partageait pas le point de vue de Christiane Brunner – exprimé à lassemblée de délégué-e-s du PSS à Lucerne il y a 2 ans, selon lequel les confrontations – par exemple sur lélectricité – entre «blairistes et socialistes de gauche», entre «socialistes-libéraux et [..] tenants dun vrai socialisme qui na de toute manière jamais existé» étaient «stériles»! A lépoque, malgré la lumière crue déjà jetée par les black-out et la spéculation au profit dEnron et consorts qui avaient frappé la Californie, la présidente du PSS osait affirmer encore quil y avait de «bons arguments» en faveur de la LME.
Heureusement, à la même époque, le comité référendaire – appuyé par les syndicats – élaborait une plate-forme de campagne, prenant parti, à contre-courant du blairisme et du social-libéralisme, non seulement contre «cette» LME, mais en «sopposant fondamentalement à la libéralisation et à la privatisation de lapprovisionnement en électricité». Il formulait comme objectif, plutôt que laménagement du tout-au-marché, «une loi sur lapprovisionnement électrique», affirmant que «les réseaux et les grandes centrales doivent être intégralement entre les mains des pouvoirs publics […] et soumis à un contrôle public et démocratique», que lobjectif de la loi devrait être de «garantir la sécurité dapprovisionnement», lui donnant en outre des objectifs sociaux et écologiques clairs.
Cest sur ces bases que la bataille anti-LME a été gagnée! Or depuis, le département de Leuen-berger a mis en route une «commission dexperts», sensée acoucher dune nouvelle variante de LME pour lan prochain, que le Conseil fédéral veut voir entrer en force en 2007, pour se conformer au calendrier de lUE. Cette commission est peuplée majoritairement de partisans de la marchandisation de lélectricité, les quelques membres des milieux référendaires qui en sont, ont toutes les peines du monde a y faire prendre en compte la volonté populaire exprimée il y a un an, même au titre de «scénario» hypothétique.
Heureusement, il y a les faits. Les «prix du marché» explosent et, comme le reconnaissait en juillet une multinationale du consulting peu suspecte d«archaïsme» socialisant: «Loin de constituer une garantie pour les consommateurs, les déréglementations des marchés se traduisent souvent et de manière répétitive par des augmentations tout à fait considérables.»
A verser au chapitre des faits aussi, ce jeudi 14 août – comme à Bassora ou Bagdad – cinquante ou soixante millions de personnes en Amérique du Nord ont dû broyer du noir, privés délectricité, de réfrigération, mais aussi deau, de transports en commun, de stations dépuration opérationnelles, etc. Ceci alors que depuis longtemps les spécialistes prédisaient leffondrement de ce «réseau du Tiers Monde» dont est doté la superpuissance US, comme la reconnu le secrétaire à lénergie de Bush lui-même.
On a pu mesurer combien ce colosse Américain, qui prétend imposer au monde, à coup de bombes et de missiles, la loi dairain du profit maximum pour ses multinationales, avait des pieds dargile. Non seulement sur le terrain de ses expéditions coloniales, mais aussi chez lui. Les éditorialistes du New York Times eux-mêmes laffirment ces jours – au-delà des causes ponctuelles de laccident – ses causes structurelles ont un nom: la dérégulation et le profit des actionnaires! Investir et entretenir un réseau national, cest vital, mais ça ne peut pas être laissé aux mains des spéculateurs.
Les Britanniques en savent aussi quelque chose. Le week-end dernier, une bonne partie des principales lignes de chemin de fer du pays étaient fermées et ça va se reproduire pendant des années. Il sagit en effet, de réparer en catastrophe, un réseau ferré détruit par la privatisation entérinée par Tony Blair!
Ces faits confirment le caractère indispensable du service public, le danger, socialement et littéralement mortel, des privatisations que lOMC cherche à imposer anti-démocratiquement avec lAGCS. Comme aussi la nécessité de relancer le combat – en Suisse et à léchelle européenne – pour un secteur électrique public, démocratique, écologique Nous en reparlerons!
Pierre VANEK