A lire

A lire : Livres en lutte pour l'été

Les vacances approchant, solidaritéS vous propose une sélection de lectures pour la plage, la montagne ou dans un fauteuil. Du féminisme au transhumanisme en passant par Kobané en bande-dessinée, Marx en manga et le parcours croisé de Trotski et de son assassin en roman, sélection de titres hétérogènes pour réfléchir, prendre de la distance ou se divertir.

Notre temps: fictions et analyses

Nelly Arcan
Burqa de chair
Paris, Editions du Seuil, 2011

En 2001, l’autrice québécoise Nelly Arcan publiait son premier roman Putain, monologue construit dans une écriture à bout de souffle, revenant sur ses années passées dans la prostitution de luxe. Au fil des romans suivants, qui portent notamment sur la plongée dans la folie entraînée par une rupture relationnelle et la triangulation amoureuse, Nelly Arcan n’a eu de cesse que de questionner le rapport particulier au corps et à la beauté imposé aux femmes par la société.

Œuvre posthume, Burqa de chair contient une compilation de nouvelles préfacée par Nancy Huston, dont le fil conducteur repose sur la violence de ce corps à la fois prison et tissu protecteur, porte béante vers l’intime et masque d’artifices, objet de toutes les attentions et injonctions. AS

Collectif
états d’urgence
Paris, Libertalia, 2017

Etats d’urgence regroupe six professionnel·le·s de la photographie sociale. Immergés au cœur des mobilisations et des grands enjeux contemporains, ils-elles posent sur l’actualité un regard loin de tout sensationnalisme et témoignent des tas d’urgences que traverse la France: mouvement social, crise migratoire, violence d’Etat, écologie… Pour voir autrement le monde qui nous entoure.

Jean-Baptiste Malet
L’Empire de l’or rouge
Paris, Fayard, 2017

Que mange-t-on quand on ouvre une boîte de concentré, verse du ketchup dans son assiette ou entame une pizza? Des tomates d’industrie. Transformées en usine, conditionnées en barils de concentré, elles circulent d’un continent à l’autre. Toute l’humanité en consomme, pourtant personne n’en a vu. Où, comment et par qui ces tomates sont-elles cultivées et récoltées?

Durant deux ans, des confins de la Chine à l’Italie, de la Californie au Ghana, Jean-Baptiste Malet a mené une enquête inédite et originale. Il a rencontré traders, cueilleurs, entrepreneurs, paysans, généticiens, fabricants de machine, et même un «général» chinois.

Des ghettos où la main-d’œuvre des récoltes est engagée parmi les migrant·e·s aux conserveries qui coupent du concentré incomestible avec des additifs suspects, il a remonté une filière opaque et très lucrative, qui attise les convoitises.

L’Empire de l’or rouge nous raconte le capitalisme mondialisé. Il est le roman d’une marchandise universelle.

Edward Kelsey Moore
Les Suprêmes
Arles, Actes Sud, 2014

Trois quinquagénaires afro–américaines, liées depuis l’adolescence, partagent avec nous leur histoire de vie et de couple au gré de leur rencontre hebdomadaire dominicale dans l’un des restaurants de leur petite ville de l’Indiana. On suit ainsi tour à tour Odette, née dans un sycomore et entourée de revenants, qui soigne son cancer en fumant du cannabis sur les conseils de sa défunte mère ; Clarice qui ferme les yeux sur les tromperies de son époux par égard à son dieu et Barbara Jean au prise avec des problèmes d’alcool suite au décès de son fils.

Une plongée pleine de poésie dans la complicité de ces amies qui dépassent leurs problèmes individuels à l’aide de la force du groupe. AS

Véronique Decker
L’école du peuple
Paris, Libertalia, 2017

Véronique Decker, directrice d’école à Bobigny, reprend la plume et livre 64 billets inspirés par son quotidien d’enseignante et de cadre de l’Education nationale engagée au service de ses élèves de la cité Karl-Marx. Il y est question d’apprentissages lents, d’éveil au monde, de pédagogie Freinet, de fraternité, d’amour et d’empathie, mais aussi d’injustice et de casse de l’école, des quartiers populaires et des solidarités.

Gerard Mordillat
La brigade du rire
Paris, Albin Michel, 2015

Une troupe d’anciens amis réunis le temps d’une soirée décident de se constituer en brigade du rire. Face à la montée des discours néolibéraux, sublimant les vertus du travail à toute heure et fustigeant la fainéantise des exclus du système, la brigade du rire va monter un grand coup: kidnapper le rédacteur vedette de la revue Valeurs actuelles et lui appliquer ses propres préceptes, soit une semaine de travail de 48 heures, avec un salaire de 20% inférieur à celui du SMIC. Une thérapie par l’exemple empreinte d’une large tranche d’humour et d’un brin de cynisme. AS

Revue Illusio
Théorie Critique De La Crise. Altérophobie, Superfluité Et Abstraction: Une Société De Dominations (Volume IV)
Lormont, Le Bord de l’eau, 2017

Ce quatrième volume de la série «Théorie critique de la crise» est consacré à l’analyse de l’actualité crépusculaire qui s’incarne violemment dans le sort réservé à la masse toujours plus importante des vies indésirables, superflues que le capitalisme génère. Qu’ils soient Roms, exilés (de force), chômeurs, précaires, etc., la liste des dominés et des exclus n’en finit pas de s’allonger à mesure que s’impose un monde qui ne cesse de mutiler la vie, les corps, les existences.

Perspectives théoriques

Maurice Daumas
Qu’est-ce que la misogynie?
Paris, Arkhê, 2017

Seriez-vous coupable ou victime de misogynie sans le savoir? La misogynie, littéralement «la haine des femmes», ce sont les injures, les violences, mais pas seulement: c’est aussi le processus subtil, symbolique, par lequel les femmes sont soumises à la domination masculine. Cette misogynie «masquée» s’invite au bureau, dans les institutions, dans la rue, en amitié, mais aussi plus profondément, dans l’intimité des couples. Vous en doutez? La misogynie est pourtant au cœur de notre vie sociale (et conjugale) depuis plus de cinq siècles. C’est ce que Maurice Daumas démontre de manière magistrale, en puisant dans l’histoire, la sociologie et la psychanalyse.

Paul Gilroy
L’Atlantique noir. Modernité et double conscience
Paris, Amsterdam, 2017

Cet ouvrage, dont la première édition est parue en 1993, s’est rapidement imposé comme une référence incontournable. L’approche développée par Paul Gilroy permet de renouveler en profondeur la manière de penser l’histoire culturelle de la diaspora africaine, résultat de la traite et de l’esclavage. Contre les visions nationalistes et les tenants d’un absolutisme ethnique, l’auteur montre qu’il existe une culture hybride, qui n’est ni africaine, ni américaine, ni caribéenne, ni britannique, mais tout cela à la fois: l’Atlantique noir.

Collectif
Pour un féminisme de la totalité
Paris, Amsterdam, 2017

Le féminisme fait souvent office de faire-valoir à tous les programmes, émancipateurs ou non. Du côté du bloc au pouvoir, les «droits des femmes» sont devenus un argument du maintien de l’ordre, des lois islamophobes à la politique d’incarcération des non-Blancs. Parmi les progressistes, le féminisme est une lutte parmi d’autres, qu’on cite volontiers entre l’antilibéralisme et la défense de l’environnement. A l’inverse, ce livre propose de donner toute sa portée au féminisme, de restaurer sa vocation révolutionnaire, de clarifier sa contribution à tout projet de bouleversement de l’ordre des choses.

revue Audimat
nº 7
2017

Audimat est une revue de critique musicale, une démarche passionnante et beaucoup trop rare dans l’édition francophone qui apporte un éclairage original sur les pratiques et productions musicales. Dans le dernier numéro paru, mentionnons un article sur musique et concerts pop en Italie pendant les années de plomb, une réflexion sur les liens entre enfance et musique électronique, et «Vie et mort sur le dancefloor du Pulse» qui revient sur la fusillade qui a éclaté en juin 2016 au Pulse, un club «LGBTQ latinx» d’Orlando, en Floride, faisant 49 mort·e·s. PR

Jean-Pierre Cometti et Nathalie Quintane (dir.)
L’art et l’argent
Paris, Amsterdam, 2017

Ce livre part de l’idée que la question de l’art, donc aussi celle de ses rapports avec l’argent, appartient à tout le monde. En mêlant témoignages, essai littéraire, textes théoriques et reproductions d’œuvres contemporaines, en s’intéressant aux fondations privées comme aux écoles d’art, à la spéculation comme à la condition d’artiste, il voudrait permettre de mieux comprendre depuis quand, comment et sous quelles formes la «valeur» argent a transformé nos façons de faire de l’art, de le regarder et d’en parler.

Récits et ficiions historiques

an Valtin (Richard Julius, Hermann Krebs)
Sans patrie ni frontière
Editions Babel, Arles, 1997

Même si bon nombre d’entre vous l’ont sans doute déjà lu, je ne résiste pas à l’envie de présenter encore une fois le roman autobiographique de Richard Julius Hermann Krebs alias Jan Valtin, Sans patrie, ni frontière. Le roman offre un incontournable témoignage de la vie d’un militant révolutionnaire communiste depuis la révolution allemande jusqu’à la Guerre froide. Valtin, d’abord spartakiste puis agent du Komintern, raconte ses voyages à travers le monde et les mers, ses tentatives d’organisation des masses ouvrières ainsi que son activité militante frénétique.

A travers le récit de cette odyssée communiste à travers le temps et l’espace, Valtin interroge sa lutte pour la «Cause» et notamment les dérives du Kommintern. Mais encore plus, il nous conte le basculement de sa vie de militance lorsqu’il est arrêté par la Gestapo et enfermé dans les geôles nazies. Un épisode qui durera des années et qui se terminera dans une terrible souffrance, avec la perte de sa femme, des trahisons en cascades et un exil aux Etats-Unis où il rédigera ce roman autobiographique d’une traite. Un morceau de mémoire, un bout d’histoire, un témoignage sensationnel, bref, un classique! PaC

Leonardo Padura
L’homme qui aimait les chiens
Paris, Métailié, 2016, traduit de l’espagnol (Cuba)

Dans ce roman, l’auteur cubain Lonardo Parura suit trois trajectoires: celles de Léon Trotski, de son assassin Ramon Mercader et d’un jeune écrivain cubain auquel le second confiera le meurtre du premier. Sont donc abordés à la fois l’exil qui porte Trotski de la Russie au Mexique en passant par la France et la Norvège, rythmé par la montée de la répression stalinienne et l’analyse des événements tragiques des années 1930, mais aussi la transformation graduelle d’un Espagnol se battant sur le front de la guerre civile espagnole en un agent tueur aux ordres de Staline. Leonardo Padura parvient à retranscrire ces trajectoires avec autant de précision historique que de fluidité d’écriture. Comme ces deux personnages, le lecteur est pris dans le flot des événements d’une révolution trahie. PR

Robert Mencherini
Guerre froide, grèves rouges. Les grèves «insurrectionnelles» de 1947
Paris, Syllepse, 2017

Fin 1947, la France de l’après–Libération est secouée par une vague de grèves qui se développe et s’interrompt abruptement. Inclassable, ce conflit social, aux nombreuses implications politiques, est parmi les plus âpres du 20e siècle en France. Grâce à un accès inédit aux archives du Parti communiste et à celle de Jules Moch, le ministre de l’intérieur socialiste de l’époque, le livre éclaire les événements de l’année 1947, celle de l’expulsion des ministres communistes du gouvernement et des grèves ouvrières emmenées par la CGT.

Bandes dessinées

Zerocalcare
Kobane Calling
Paris, Cambourakis, 2016, traduit de l’italien

L’ouvrage du dessinateur italien Michel Rech, a.k.a Zerocalcare, résulte de ses voyages en Irak, Turquie et Syrie. Dans Kobané Calling, récit autobiographique sous forme de BD reportage, l’auteur décrit sa découverte du Rojava – ou Kurdistan occidental, région au nord de la Syrie, divisée en trois cantons kurdes: Afrine, Kobané et Jaziré. Proclamé région autonome depuis 2011, le Rojava est une confédération fondée sur la démocratie participative, l’émancipation des femmes, la redistribution des richesses et l’écologie. Contre les offensives de Daech, la résistance kurde s’organise et lutte pour sauver notamment la ville de Kobané. Pour son premier voyage, Zerocalcare part avec une délégation romaine pour Mehser, village turc à un kilomètre de la frontière syrienne. En tout huit militant·e·s des centri sociali se mobilisent pour apporter des médicaments dans les camps de réfugié·e·s et ramener des informations de première main. En 2015, après avoir appris la libération de Kobané, il décide de s’y rendre avec cinq ami·e·s pour y amener des médicaments et des caméras.

Dès le prologue, le personnage de Zerocalcare raconte ses tiraillements internes à l’idée de partir au Rojava. D’une part l’idée de défendre l’expérience du Rojava lui est chère, car «elle donne un exemple de cohabitation pacifique possible pour tout le Moyen-Orient» et parce qu’il pourra apporter un point de vue différent de ceux des médias italiens «qui ne couvrent que le conflit». D’autre part, il ne nie pas son ego militant: ce voyage le consacrerait «auteur engagé». Enfin, il reste une part de mystère, pixellisée et indescriptible, dévoilée plus tard dans le récit par un Kurde de Turquie: «c’est notre bataille décisive. Pas seulement des Kurdes, de l’humanité. Tous les hommes et les femmes qui ont à cœur la liberté et l’humanité devraient être aujourd’hui à Kobané». Des paroles qui résonnent dans le cœur du personnage et le pousseront à repartir, pour mettre à l’épreuve son modèle démocratique que représente Kobané.

Outre leur actualité, les 270 pages de Kobane calling présentent le point de vue original du dessinateur, ses questionnements intimes, sa lecture du monde selon des références communes souvent liées à la pop culture occidentale. Pédagogue, l’auteur s’efforce de rendre compréhensible la situation socio-politique complexe du Rojava à l’aide d’un dessin efficace et le plus souvent humoristique. Un glossaire et de nombreuses illustrations de cartes géographiques viennent compléter l’information. Mais ce qu’on retiendra surtout de cette lecture, c’est l’émotion poignante ressentie lorsque, dans la peau du personnage, nous rencontrons Ezel, notre traductrice kurde, Necim, activiste politique kurde en Turquie, Nasrin, commandante YPG des unités féminines du Rojava, ou encore Berzan, déterminant dans le voyage et tombé pendant la rédaction du livre.

«Les cœurs ne sont pas tous les mêmes. Ils se modèlent et prennent forme au fur et à mesure des expériences. Comme un tronc qui pousserait tordu pour s’adapter à ce qui l’entoure. Et tout ce qui a modelé le tien… Ce qu’on t’a appris, ce qu’on t’a transmis, ce qui t’a fait pleurer, ce qui t’as fait rire, le sang qui n’a fait qu’un tour et celui qu’on t’a fait cracher. Tout ça aujourd’hui est à Kobané» Zerocalcare. VL

Beb-deum et Alain Damasio
Mondiale™
Bruxelles, Les impressions nouvelles, 2017

Appuyé par des progrès technologiques toujours plus aptes à brouiller les frontières du vivant, le transhumanisme se définit comme «la promotion de l’amélioration de la condition humaine à travers des technologies d’amélioration de la vie, ayant pour but l’élimination du vieillissement et l’augmentation des capacités intellectuelles, physiques ou psychologiques» (humanityplus.org).

Cette thématique, mentionnée dès les années 1950, a véritablement été structurée en courant de pensée cohérent trois décennies plus tard. La culture s’en est rapidement emparée et lui a attribué une place de choix, depuis les ouvrages précurseurs de Robert A. Heinlein (1907-1988) ou Isaac Asimov (1920-1992), jusqu’aux comics de Marvel, en passant par certaines nouvelles de Philip K. Dick (1928-1982), le manga Ghost in the Shell et la série Black Mirror pour ne citer que les exemples les plus fameux.

C’est dans cette filiation que s’inscrit le dernier ouvrage de Beb-deum et Alain Damasio, basé sur un certain nombre d’interrogations qui, aujourd’hui déjà, semblent loin d’être complétement absurdes. Et si, à l’instar des vêtements ou de l’électroménager, on pouvait désormais commander des corps? Et si le corps devenait une marchandise comme les autres, interchangeable, consommable et jetable après usage? Et si la consommation était encore loin d’avoir atteint son paroxysme?

Après les catalogues d’Ikea et de La Redoute, ils nous proposent de découvrir celui de Mondiale™, une entreprise spécialisée dans la vente de Corphes, des clones et des corps fabriqués sur mesure à l’usage de ses clients les plus fortunés, dans un futur dystopique, qui n’est peut-être pas si éloigné.

Heureusement, la résistance s’organise peu à peu autour des clownes, néologisme formé par les clones qui ne veulent plus être les clowns de la farce, les marionnettes soumises au destin, les jouets sans défense dans les mains de leurs maîtres omnipotents. C’est leurs signaux d’alerte qu’ont récupérés les deux auteurs et qui sont à l’origine de cet ouvrage illustré, à la frontière de plusieurs genres littéraires, entre science-fiction et bande dessinée. Tout droit venu de 2048, Mondiale™ voit ainsi s’entremêler plus de 300 portraits, comme autant d’accessoires disponibles sur le marché.

Un papier glacé, des photos redessinées avec un art numérique hors norme, et surtout, une dernière question qui nous taraude, lorsqu’on referme cet album: «Qui des humains de chair ou de synthèse sont ceux à qui il manque véritablement une âme?» GK

Seth Tobocman
Quartier en Guerre: New York, années 1980
Toulouse, Editions CMDE, 2017

Ami·e·s lecteurs·trices, réjouissez-vous! Enfin, les Editions CMDE nous offrent une traduction du magnifique roman graphique de Seth Tobocman. Un ouvrage qui est le produit de plus de dix ans de travail, d’observation participante, de récolte de témoignages et de matériel. Dix ans pour un chef-d’œuvre qui nous emmène dans le quartier populaire du Lower East Side à Manhattan, au cœur des années Reagan. Dans ce quartier soumis à l’énorme pression des politiques ultra-sécuritaires et de la spéculation immobilière, les habitant-e-s résistent par tous les moyens. Des manifestations sauvages aux émeutes, des squats aux espaces autogérés, Quartier en Guerre dépeint les portraits des gens qui incarnent ces luttes, qu’ils-elles soient immigrés, sans-abris, punks, graffitis artistes, etc. Un ouvrage qui met la beauté au service d’une autre histoire de Manhattan, d’une histoire de solidarité, de résistance, bref, d’une histoire populaire. A lire sans modération. PaC

Hugues Micol
Scalp: La funèbre chevauchée de John Glanton et de ses compagnons de carnage
Paris, Futuropolis, 2017

Scalp est une bande dessinée pleine de fureur qui raconte l’épopée sanglante de John Glanton. Champion de la mort et de la désolation, Glanton sera tour à tour éclaireur pour l’armée et Texas Rangers durant la guerre du Texas (1835-1848) face aux Mexicains. Connu pour sa violence et sa cruauté, il devient ensuite chasseur de scalp décimant par centaines les apaches qui tombent entre les mains de sa bande. Emporté dans une spirale toujours plus violente et toujours plus à l’ouest du continent, John Glanton périra comme il a vécu, dans un bain de sang.

A travers la mise en image de cette histoire sombre des Etats-Unis, Hugues Micol propose un regard sans concession sur l’Ouest américain et sur la condition humaine. Une histoire où la contingence humaine se noie dans la violence. Une bande dessinée hors-norme, mais qui vaut le détour! PaC

Deux mangas marxistes

Si Marx et le communisme occupent à nouveau ces dernières années une place importante dans les rayons des librairies, c’est également le cas dans les mangas, ces bandes dessinées japonaises. Le bateau usine (Rancon, Akira, 2016, dessins de Gô Fujio), adapté du roman de Takiji Kobayashi, militant communiste japonais mort sous la torture durant les années 1930, dépeint le quotidien d’ouvriers-pécheurs sur un bateau-usine. A une époque où le Japon connait une industrialisation sauvage et où la révolution éclate en Russie, le manga dépeint l’oppression et la révolte des ouvriers, éclairant autant les modes de domination que la nécessaire solidarité dans la révolte.

Dans Le Capital (Paris, Soleil, 2016), ce sont carrément Karl Marx et Friedrich Engels qui deviennent personnages de manga. L’adaptation du livre théorique de Karl Marx en manga est étonnement réussie. Si les dessins ne sont pas les meilleurs du genre, l’efficacité du scénario ravit et rend accessible cet ouvrage à un large public. Le premier tome se veut matérialiste et montre concrètement le fonctionnement du capitalisme à travers le parcours d’un jeune fromager qui, suite à l’investissement d’un entrepreneur, adopte un modèle industriel pour ses fromages. Seront alors illustrés les enjeux de productivité, de plus-value et de rentabilité.

Le second tome devient jouissif en développant cet exemple sous un angle plus théorique grâce à l’intervention directe de Marx et d’Engels en personne. L’édition complète bénéficie de plus d’une préface signée Olivier Besancenot. A noter qu’il existe également chez le même éditeur une version manga du Manifeste du parti communiste. PR

Sauf mention contraire, tiré et adapté des présentations des éditeurs.