Prenons l'initiative pour la culture!
Une initiative cantonale constitutionnelle, pour une politique culturelle cohérente et clairvoyante associant communes et canton.
Si l’adoption en 2013 de la Loi cantonale sur la culture a réjoui les acteurs culturels genevois, ces derniers ont rapidement déchanté avec la Loi sur la répartition des tâches entre les communes et le canton en matière de culture (LRT-2). Votée par le Grand conseil en 2016, elle implique que désormais, canton et communes œuvrent séparément, dans une logique de financement exclusif plutôt que complémentaire. Désormais, canton et communes œuvrent séparément dans une logique de financement exclusif plutôt que complémentaire, ce qui a pour conséquence de fragiliser le secteur de la création artistique.
Eclairages avec Laurent Graenicher, cinéaste et membre du comité d’initiative.
Pourquoi cette initiative? Quelle est son histoire?
Cette initiative est lancée par un comité exclusivement composé d’acteurs culturels. Une partie d’entre eux était déjà membre du Rassemblement des artistes et acteurs culturels (RAAC) dont l’objectif était de travailler à une loi sur la culture et un article constitutionnel. Bon, l’article existe, deux lignes modestes, mais au moins il existe. Par contre la Loi sur la culture de 2013, qui a été le résultat d’un long processus, a été décapitée avant même qu’elle puisse porter ses fruits par la LRT-2 – qui elle n’a fait l’objet d’aucune concertation. Donc les gens qui s’étaient rassemblés au sein du RAAC, puis au sein de La Culture Lutte, se sont sentis trahis.
En quoi la nouvelle répartition des tâches pose problème?
Le canton se désengage financièrement du domaine de la création, en reportant tout sur les communes. Or, ces dernières n’ont pas de vraies politiques culturelles coordonnées non plus. Dans la Loi sur la culture, il était clairement stipulé que le canton avait pour tâche de coordonner la politique culturelle et de soutenir les coopérations tant à l’échelle régionale qu’internationale.
Qu’en est-il du Conseil consultatif de la culture, figurant dans la Loi sur la culture?
Alors oui, le conseil existe, des acteurs culturels y siègent, mais tout y est très flou, et personne n’a de feuille de route, ni de vision claire. Comme son nom l’indique, ce comité est seulement consultatif. De plus, il y a un problème de temporalité: les choses vont rester encore floues 2-3 ans, le temps que les discussions sur la réalisation concrète de la répartition se fassent. Pendant ce temps-là, sur le terrain, les acteurs culturels sont dans une grande incertitude, une grande précarité, puisque les subventions anciennement versées par le canton ne sont pas compensées par la ville dans les mêmes proportions. On ne sait plus qui sont les interlocuteurs et la création est fragilisée. C’est catastrophique: il y a des urgences sur le terrain dont le monde politique ne prend pas la mesure.
Donc vous avez décidé d’agir par la voie démocratique.
Oui. Participer à la discussion n’est plus possible puisqu’il n’y a plus de discussion. L’application de la LRT-2, c’est de la comptabilité pure et il n’y a aucun moyen d’intervenir. Vu que la Loi sur la culture a été vidée de son contenu, il n’y a qu’un moyen d’obtenir quelque chose de positif et de constructif, c’est d’inscrire le principe de base de la Loi sur la culture dans la Constitution. Ce principe veut que le canton coordonne la politique culturelle genevoise en veillant à son caractère englobant. Pour que les différents partenaires puissent œuvrer ensemble, il faut une vision politique et un chef d’orchestre.
Actuellement, c’est une véritable cacophonie, chacun tente bon an mal an de jouer sa partition. C’est ainsi que la ville de Genève se retrouve seule sur des grands projets qui devaient être des partenariats. La Nouvelle Comédie est un exemple emblématique de cette situation. Un autre exemple est la Cité de la musique: certes, sa construction est assurée, mais on ne sait pas comment sera financé son fonctionnement.
Vous êtes assez discrets: du point de vue de la communication, on a peu parlé de cette initiative dans les médias.
Oui, parce que nous passons beaucoup de temps à discuter de ce dossier complexe avec les différents milieux culturels. Il nous tient à cœur que les premiers concernés soient les premiers signataires et qu’ensuite ils fassent signer plus largement l’initiative. L’idée est de créer un socle solide avec les gens concernés, pour qu’ensuite, lorsque l’initiative sera déposée, nous puissions ouvrir un débat public beaucoup plus large.
Donc nous nous concentrons pour l’instant sur la récolte de signatures, en parlant directement avec les acteurs culturels et avec le public lors des séances de récolte, plutôt que sur la communication médiatique qui viendra dans un deuxième temps. Récolter les signatures nécessaires, c’est obtenir la légitimité de porter sur la scène publique un débat sur la gouvernance de la culture à Genève, qui obligera notamment la droite à dépasser son habituelle ritournelle «la culture coûte trop cher». Parce que pour une fois, on ne vient pas demander plus d’argent, on vient demander un positionnement clair de chaque partenaire et une lisibilité de la politique culturelle à l’échelle du territoire genevois.
Donc voilà, on se concentre sur les signatures, et comme c’est une initiative constitutionnelle, il faut plus que pour une initiative législative: le chiffre est de 10 200 signatures.
Merci Laurent et bonne suite de récolte!