Groupe de contact pour la Méditerranée

Groupe de contact pour la Méditerranée : Protection des migrants ou néocolonialisme?

Dans le courant du mois de novembre, la Suisse accueillera la 3e rencontre du Groupe de contact pour la Méditerranée, composé de dirigeant·e·s des pays situés sur la route migratoire entre l’Afrique et l’Europe. Au programme: lutter contre les passeurs, limiter les départs des migrant·e·s et améliorer la collaboration interétatique pour un contrôle plus strict des frontières. Autrement dit, un programme pour le tout-sécuritaire et contre l’accueil des migrant·e·s, qui n’hésite pas à pratiquer l’ingérence sur les territoires africains.

Une première réunion du Groupe de contact a eu lieu à Rome au printemps, et une seconde cet été à Tunis, regroupant des représentant·e·s de plusieurs pays situés sur le couloir migratoire Afrique-Europe (Algérie, Allemagne, Autriche, Estonie, France, Italie, Libye, Mali, Malte, Niger, Suisse, Tchad et Tunisie). La route passant par le milieu de la Méditerranée est au cœur des préoccupations, l’Italie ayant enregistré une forte augmentation du nombre de débarquements cette année, avec plus de 90 000 personnes arrivées au premier semestre. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime que plus de 2000 personnes ont perdu la vie en Méditerranée centrale au cours de cette période.

Les passeurs boucs émissaires

Durant ces deux premières rencontres, empêcher le trafic de migrant·e·s était l’objet central des négociations. Entendez par là: lutter contre les passeurs. Car face au monstrueux carnage en Méditerranée et sur les routes de l’exil, engendré par la mise en place de barrages et de lois contre la venue des réfugié·e·s, les Etats européens refusent de reconnaître leur responsabilité et préfèrent pointer du doigt les passeurs. Ces derniers ne sont certainement pas irréprochables. Mais ils ne font que tirer leur épingle d’un jeu dont les grandes puissances anciennement colonisatrices – Suisse comprise – continuent d’être à la fois les cheffes d’orchestre et les principales bénéficiaires.

Ingérence débridée en Afrique du Nord

Le Groupe de contact poursuit également l’objectif, louable en apparence, de réduire les décès de migrant·e·s sur leur route vers le continent européen. En réalité, ce but vise purement et simplement à empêcher la migration. Les pays africains doivent ainsi s’engager à renforcer la gestion de leurs frontières, tandis que les pays européens garantissent la poursuite de leurs politiques d’aide au développement. Il s’agit de s’assurer que les demandes d’asile ne soient désormais plus déposées qu’en Afrique, afin de contenir les réfugié·e·s hors des frontières européennes. Un plan aux relents nauséabonds de néocolonialisme, sous couvert de droit d’asile.

L’ingérence va loin dans cette approche, qui concerne les bords de la Méditerranée jusqu’à la frontière sud de la Libye (Niger et Tchad). La coopération internationale inclut certes des gouvernements africains, mais leur marge de manœuvre est réduite face aux exigences des Etats européens. Elle a établi que certains migrant·e·s devraient être rapatriés depuis la Libye vers un camp du HCR au Niger. Pour ce faire, l’UE soutient la création d’une force armée dans les Etats du Sahel pour contrôler la frontière sud de la Libye.

L’hypocrisie de Mme Sommaruga

La Suisse sera l’hôte de la troisième rencontre du Groupe. La Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a déjà montré son enthousiasme à soutenir ces politiques de contrôle de la migration. Elle a notamment plaidé pour une facilitation des retours volontaires et la réintégration dans leurs pays d’origine de migrant·e·s se trouvant en Afrique du Nord. Elle s’inquiète également de ce que l’OIM et le HCR aient accès aux centres de détention en Libye, où sont retenus des milliers de migrant·e·s. Enfin, elle encourage la discussion autour de voies légales de migration d’Afrique vers l’Europe.

Toutes ces déclarations font sourire, pour qui connaît la réalité de l’«asile» en Suisse. Des centres fédéraux interdits d’accès à la société civile sont prévus par la dernière révision de la loi sur l’asile, bafouant la liberté de mouvement des réfugié·e·s. Préconiser d’améliorer les voies légales de la migration est une vaste ironie de la part d’un pays qui a interdit le dépôt des demandes d’asile dans les ambassades, contraignant les requérant·e·s au voyage. Et que dire du programme de réinstallation de Mme Sommaruga, faisant soi-disant figure d’exemple de répartition de la migration, qui concerne péniblement 2000 réfugié.e.s alors que 2760 renvois Dublin ont été exécutés rien qu’en 2016?

Aude Martenot