Immigration/Racisme

Immigration/Racisme : Les Chibanis de la SNCF obtiennent enfin justice

Le 31 janvier dernier, 848 cheminots maghrébins retraités de la SNCF ont gagné en appel face à leur ancien employeur, pour discrimination. La justice a ajouté des dommages et intérêts pour préjudices moraux envers ceux qu’on appelle les «indigènes du rail».

Ils avaient été recrutés dans les années 1970, au Maroc principalement, par la SNCF qui leur avait promis une égalité de traitement avec les ouvriers français. Dans la réalité, il n’en sera rien: impossibilité de monter en grade, salaires inférieurs à ceux des ouvriers français à travail équivalent, inégalités dans le droit à la retraite (les Chibanis doivent travailler dix années de plus que les cheminots français pour la moitié de leur pension), et exclusion du système de soins mis en place par la SNCF pour ses employé·e·s.

A cette exclusion formelle des droits sociaux s’ajoutent les exclusions informelles du racisme: cantonnement à des travaux subalternes, épuisants et dangereux, logements précaires et insalubres, mépris et paternalisme quotidiens, etc.

Absence criante des syndicats

Ce n’est qu’une fois à la retraite, alors qu’un certain nombre d’entre eux sont déjà décédés des suites d’un travail harassant ou lors d’accidents de travail, que les cheminots décident de porter plainte. Une longue procédure débute alors, jusqu’en septembre 2015, où le conseil de prud’hommes de Paris condamne la SNCF pour discrimination. Pourtant, énième preuve du mépris que porte l’entreprise à ses «indigènes», celle-ci fait appel, renvoyant la procédure à la cour d’appel de Paris, et forçant les plaignants, leurs familles et leurs soutiens à reprendre la lutte.

Celle-ci fut d’ailleurs menée en l’absence criante des syndicats du secteur qui, en refusant de soutenir les personnes qu’ils sont supposés défendre, se sont rendus complices de politiques racistes. Par contraste, les mouvements de l’immigration ont d’une manière générale répondu présent, rendant compte du lien entre ce cas précis de discrimination raciste et les autres formes de racisme à l’encontre des personnes issues de l’immigration postcoloniale.

A l’heure où les droits des travailleurs et travailleuses sont constamment attaqués, où l’on assiste à une criminalisation de l’antiracisme politique (avec notamment l’incarcération de militant·e·s et soutiens du comité Adama) et où, en Ile-de-France, la grève de travailleurs·euses sans papiers passe relativement inaperçue au sein des milieux de gauche radicale, nous devons célébrer cette victoire historique, tant pour les mouvements de l’antiracisme politique que pour le mouvement ouvrier.

Il serait terrible de la réduire à ses enjeux purement juridiques (quand bien même ceux-ci sont importants en termes de jurisprudence), d’en nier ainsi la portée politique, et de ne pas la considérer pour ce qu’elle est, à savoir le fruit d’un long combat pour la justice et la dignité.

Anouk Essyad