Menaces sur la formation et l'offre culturelle
Le site de la Haute Ecole de Musique (HEM) de Neuchâtel est menacé de fermeture par les coupes budgétaires du Conseil d’Etat. Celui-ci annonce, dans son plan financier de législature, sa fermeture à l’horizon 2021. Les étudiant·e·s, ainsi que quelques professeur·e·s, se sont mobilisés pour dénoncer cette décision arbitraire et unilatérale du Conseil d’Etat. Nous nous sommes entretenus avec Petru Casanova, étudiant pianiste en Master de pédagogie à la HEM et président de l’association des étudiant·e·s.
Simon R. Rowell
Qu’est-ce que la HEM?
La HEM est une école de musique réservée à la formation professionnelle. Elle est liée depuis 2008 au canton de Genève par une convention qui en fait un site excentré de la HEM de Genève. Cent étudiant·e·s de huit cantons Suisses et d’ailleurs (21 pays répartis sur les cinq continents) y suivent différentes formations: piano, violon, chant, violoncelle, alto ou contrebasse. La HEM partage ses locaux avec le Conservatoire de musique neuchâtelois qui dispense diverses formations musicales amateurs.
Quelle est la situation actuelle?
Début décembre 2017, le Conseil d’Etat, dans son plan de législature, a décidé de mettre fin à la convention qui le liait à Genève de manière unilatérale, sans consulter le Grand Conseil, ce qui entraînera la fermeture de la HEM. La direction de l’école a été consultée et il lui a été demandé de présenter trois plans d’économie qui permettraient la pérennité de la HEM. Or, le Conseil d’Etat a prononcé la fermeture de l’Ecole avant même de recevoir ces trois solutions alternatives. Les étudiant•e•s se sont mobilisés pour faire valoir leur droit à la formation et demander au Conseil d’Etat de réévaluer la situation.
D’après les propos du Conseil d’Etat, la HEM coûte trop cher. Qu’en est-il réellement?
Le budget total de la HEM est de 4,7 millions, à savoir 2,5 millions de subvention fédérale et 2,2 millions à charge du Canton. La subvention fédérale serait automatiquement perdue en cas de fermeture. Les économies prévues par le Conseil d’Etat équivaudraient donc à 2,2 millions. Or il faut enlever la part du loyer partagée avec le Conservatoire (que celui-ci devrait désormais assumer seul et qui serait alors à la charge de l’Etat), les frais de fonctionnement partagés avec le Conservatoire (accordage, administration, entretien…), les recettes fiscales des professeur·e·s, la participation financière des étudiant·e·s à la vie cantonale (loyers, impôts…). Nous estimons l’économie réelle à moins de 850 000 francs. Nous sommes bien loin des millions annoncés.
Le Conseil d’Etat a-t-il pris des mesures pour étudier les différentes alternatives?
Non, car il n’a même pas attendu de recevoir les propositions de la HEM avant d’annoncer la fermeture du site neuchâtelois. Or, des solutions existent. Nous nous sommes aperçus qu’avec une meilleure collaboration avec le Conservatoire et une plus grande implication des étudiant·e·s dans la vie culturelle du canton, des économies seraient réalisables à court terme sans que l’offre professionnelle musicale du canton soit péjorée.
Le Conservatoire partage ses locaux avec la HEM, pourrait-il survivre sans elle?
C’est au Conservatoire de le dire. Néanmoins, je pense que «survivre» est le bon terme. Rien qu’au niveau des dépenses, la HEM assure une bonne partie des frais courants, notamment le loyer. Il est illusoire de penser, comme le proposait le Conseil d’Etat, qu’une entreprise pourrait venir partager les locaux avec le conservatoire. En effet, le bâtiment serait à repenser en entier ; les salles sont très petites et les répétitions musicales y sont constantes. Imaginez un assureur travailler à côté d’une salle où un jeune enfant exerce ses gammes de violon.
Quelles seraient les retombées de la fermeture de la HEM pour notre canton?
Premièrement, l’offre de formation musicale professionnelle y serait désormais inexistante. Le rayonnement culturel du canton à l’international s’en trouverait grandement appauvri. La HEM organise une vingtaine de concerts par an sur le territoire cantonal, mais également un très grand nombre de récitals gratuits dans l’Ecole. De plus, les examens y sont publics. C’est tout un pan d’une offre culturelle de qualité qui disparaîtrait, sans parler des apports pour les associations locales comme les fanfares, les chorales ou les sociétés de musique où les étudiant·e·s s’investissent pour la direction de chœur ou d’orchestre notamment.
Quels sont maintenant vos objectifs et vos prochaines actions?
Nous voulons tout faire pour convaincre le Conseil d’Etat de revenir sur ses positions. Nous voulons faire en sorte que le peuple, par l’intermédiaire du Grand Conseil, puisse prendre position sur la question de la survie de la HEM. Nous attendons depuis le mois de décembre une réponse du Conseil d’Etat quant à la tenue d’une séance de discussion et de négociation sur l’avenir de notre école. Notre objectif est de sortir de cette crise grandis. Nous voulons que la HEM puisse rayonner à travers le monde, et surtout dans le canton, davantage qu’auparavant. De cette manière, nous améliorerons les partenariats avec la vie culturelle locale. Nos actions s’articuleront autour de concerts et de musique lors de diverses manifestations, comme celle prévue le 10 mars à Neuchâtel.
Zoé Bachmann