Trump, facteur d'instabilité

Le retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien accroît les tensions régionales et internationales. Les premières victimes seront les classes populaires et les mouvements de contestation du régime des mollahs.


La décision de Trump va permettre aux mollahs de renforcer la répression du peuple iranien (manifestante
tuée par les force de l’ordre, Gonabad, 15 mai 2018)

Donald Trump a tenu sa promesse. Le président américain a annoncé le 8 mai le retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, signé en 2015 par l’Iran et le groupe P5+1 (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Allemagne, Russie et Chine). La décision nord-­américaine, qui ouvre la voie à des sanctions, intervient alors que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a plusieurs fois salué la coopération de l’Iran.

Les conséquences

L’accord sur le nucléaire iranien avait levé une partie des sanctions internationales visant la République islamique, en échange du gel et de la mise sous contrôle international du programme nucléaire iranien pour au moins dix ans. La population iranienne, victime indirecte de sanctions étouffant l’économie du pays, avait célébré cet accord. De nombreuses entreprises multinationales, surtout européennes, s’étaient empressées de lancer des projets. Les échanges entre l’Union européenne et l’Iran, qui représentaient 7,7 milliards d’euros en 2015, ont presque triplé en deux ans.

La décision nord-américaine contrecarre ces projets. D’autant que Washington a donné 90 à 180 jours aux entreprises pour résilier les contrats signés en Iran et interdit d’en conclure de nouveaux, sous peine de sanctions.

Pour l’heure, la Grande-­Bretagne, l’Allemagne et la France ont déclaré qu’elles et l’Union européenne dans son ensemble resteraient attachées à l’accord nucléaire. Elles tenteront également de conclure un accord plus large avec l’Iran, concernant notamment le développement de missiles balistiques et les interventions régionales iraniennes. Le gouvernement iranien a également annoncé qu’il resterait attaché à l’accord sur le nucléaire si l’Europe, la Chine et la Russie le respectaient.

Dans le même temps, la décision de Trump va renforcer en Iran l’influence politique et économique de rivaux de Washington, la Russie et la Chine. Pékin est aujourd’hui le premier partenaire économique de l’Iran.

L’axe Etats-Unis, Israël et Arabie saoudite contre l’Iran

L’Etat israélien et le royaume wahhabite ont salué la décision du président états-unien. Les deux Etats s’étaient farouchement opposés à la signature de l’accord. A leurs yeux, celui-ci permettait de légitimer le statut de l’Iran comme «Etat du seuil nucléaire», c’est-à-dire comme pays ayant pratiquement acquis la capacité de fabriquer une bombe atomique. Ils reprochaient aussi à l’accord d’améliorer la situation économique de la République islamique grâce à la levée progressive des sanctions internationales. L’opposition à l’Iran constitue l’un des piliers de la politique régionale de Ryad et Tel-Aviv et a rapproché les deux capitales ces dernières années.

L’armée israélienne a d’ailleurs profité de la décision états-unienne pour poursuivre ses attaques contre des cibles iraniennes en Syrie, qui se sont multipliées ces derniers mois. Moins d’une heure après l’annonce de Trump, Israël a lancé une nouvelle attaque de missiles sur une base syrienne utilisée par des troupes iraniennes. L’Iran a riposté depuis la Syrie en tirant des missiles sur les avant-postes militaires israéliens sur le plateau du Golan syrien, occupé par Israël. L’État hébreu s’est alors lancé dans une salve d’attaques aériennes sans précédent contre 50 installations militaires et de sécurité iraniennes en Syrie.

Le renforcement de la présence iranienne en Syrie ces dernières années a été fortement contesté par Israël, l’Arabie saoudite et les États-Unis. Même la Russie, partenaire de l’Iran dans l’assistance au régime syrien pour réprimer le soulèvement populaire contre le régime d’Assad, ne verrait pas d’un mauvais œil l’affaiblissement de l’influence iranienne en Syrie. En témoigne son accord tacite vis-à-vis des frappes israéliennes.

Malgré des appels au calme et un refus d’une nouvelle escalade militaire des dirigeants israéliens et iraniens, la multiplication des confrontations sur le sol syrien n’augure rien de bon pour la région.

Solidarité avec les classes populaires en Iran

Mais les principales victimes de cette situation sont les classes populaires iraniennes. Elles vont être confrontées à de nouvelles sanctions, avec des conséquences néfastes sur leur situation socio-économique, et aux risques de renforcement des tensions régionales.

Le début de l’année a été marqué par une vague de manifestations populaires et de grèves, avec des appels au renversement de la République islamique et à la fin de ses interventions militaires dans la région, particulièrement en Syrie et au Liban. La décision de Trump et les menaces de guerre contre Téhéran vont permettre au régime des mollahs de qualifier toute forme d’opposition progressiste, de gauche et démocratique d’expression de soutien aux Etats-Unis, à Israël et à l’Arabie saoudite, et de renforcer les mesures répressives dans le pays.

Joe Daher