Les Gilets jaunes à l'écran

Dans J’veux du soleil, en salles le 1er mai en Suisse, Gilles Perret et François Ruffin nous offrent un tour de France des Gilets jaunes. Et nous racontent comment la fierté de se battre peut remplacer la résignation.

Affiche du film «J'veux du soleil» de François Ruffin

«On est devenu une grande famille sur les ronds-points. On n’existait pas et là, on se retrouve. » À Albert, en Picardie, comme à Corenc, dans l’Isère, à Loriol, dans la Drôme, ou encore à Dions, dans le Gard, les Gilets jaunes parlent de dignité et de solidarité. À chaque rond-point, chaque péage, devant la caméra de Gilles Perret et au micro de François Ruffin, le même constat s’impose: la lutte est synonyme d’un respect de soi retrouvé.

Alors que le management néolibéral réduit les individus au rang de rouages insignifiants du système, une manifestante rappelle l’évidence: les gens, « c’est pas des objets ». Alors que l’étalement urbain et le désengagement des services de l’État sapent le lien social, les mots « rencontre » et « communication » sont dans toutes les bouches. Alors que la précarité contraint toujours plus à consacrer son énergie à trouver des solutions individuelles et de court terme pour vivre décemment, des individus retrouvent soudain un sens et un horizon communs par le biais de la contestation: « C’était une honte cachée qu’on avait. Et là, la colère remonte. »

Et la colère réveille l’intérêt pour la politique. Certes pas celle d’une démocratie représentative qui peine à représenter grand-chose et ne fait plus illusion. Mais celle qui, au gré des échanges, des discussions, des réflexions en commun, voit émerger des revendications ancrées dans le quotidien d’une partie de la population ayant rarement voix au chapitre.

En filmant les Gilets jaunes, Perret et Ruffin accomplissent deux gestes nécessaires. Ils donnent la parole à celles et ceux que les médias dominants ignorent trop souvent, sciemment ou non, et nous obligent à affronter le réel, fait de précarité et d’humiliations quotidiennes. Ils témoignent en même temps d’un processus de prise de conscience par la lutte: toute une population se réapproprie les lieux de son quotidien pour y laisser libre cours à une parole contestataire et, chemin faisant, se réinvente individuellement et collectivement.

Guy Rouge