États-Unis
Révoltes contre l’ordre dominant
L’étranglement de George Floyd fait suite à une série de meurtres racistes perpétrés par la police contre des personnes noires ces dernières semaines. Sans oublier les assassinats commis ces dernières années par les forces de police, notamment à New York et Ferguson en 2014, qui ont mené à la création du mouvement populaire Black Lives Matter.

Les derniers mots de George Floyd, « I can’t breathe » (« Je ne peux pas respirer »), tandis qu’il est menotté et plaqué au sol par un policier agenouillé sur son cou pendant près de 9 minutes, nous renvoient inévitablement à ceux d’Eric Garner, lui aussi asphyxié par la police, en 2014 à New York.
Black Lives Matter, encore et toujours
Les violences policières contre les populations noires et non-blanches aux États-Unis reflètent plus globalement le système d’exploitation raciste états-unien. Les personnes noires représentent 14 % de la population totale aux États-Unis, mais 40 % des sans-abri et 21 % des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, soit un taux 2,5 fois supérieur à celui de la population blanche. Les populations noires et latinos travaillent en grande majorité dans des services essentiels, notamment dans la santé, mais aussi dans des emplois d’une grande précarité sans aucun droit du travail ni sécurité sociale. Les quartiers populaires, en majorité habités par les populations non-blanches, souffrent également le plus souvent de manque ou de l’absence de services publics.
La pandémie de Covid-19 a renforcé les inégalités. Parmi les plus de 43 millions de travailleurs·euses qui sont devenu·e·s chômeurs·euses depuis le début de la pandémie, une grande majorité est issue des populations noire et latino. De plus, la plupart des victimes sont noires, latinos et issues des classes pauvres. Dans les villes de Chicago et Milwaukee, respectivement 73 % et 81 % des décès dus à la pandémie concernent les populations noires états-uniennes alors qu’elles représentent respectivement un tiers et un quart de la population de ces villes. Ce ne sont pas uniquement les taux de mortalité plus élevés qui alimentent cette colère, mais également le fait que les personnes noires se sont souvent vu refuser des soins de santé parce que les infirmiers·ères ou les médecins ne prenaient pas en compte leurs plaintes concernant les symptômes ressentis.
Répression violente et racisme structurel
Le président états-unien Trump n’a pas hésité à appeler à l’intervention de l’armée et à l’usage d’armes sur les manifestant·e·s qui s’en prennent aux supermarchés et aux bâtiments de police. Il a d’ailleurs repris mot pour mot la déclaration du chef de la police raciste de Miami, Walter Headley, prononcée en 1967 : « Quand le pillage commence, la fusillade aussi. » Par ses politiques et ses déclarations haineuses et racistes, Trump encourage et légitime les discours et actes racistes des organisations suprémacistes blanches.
Mais il ne faut pas oublier que le racisme aux États-Unis est plus profond : il prend sa source au cœur du système politique états-unien. Les deux partis, démocrate et républicain, sont en effet coupables de politiques néolibérales et racistes. Le maire de la ville de Minneapolis, Jacob Frey, et le gouverneur de l’État du Minnesota, Tim Walz, sont des membres du parti démocrate et ils ont donné l’ordre à la Garde nationale d’entrer dans la ville.
La répression contre les manifestant·e·s est violente : on compte plus de 4000 arrestations et il est fait un usage intensif des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Des milliers de soldats de la Garde nationale ont été déployés dans plus d’une vingtaine de villes. La Garde nationale a été mobilisée pour la dernière fois en 1992, après les révoltes populaires de Los Angeles, après l’acquittement de quatre officiers de police blancs qui avaient passé à tabac un homme noir. De même, de nombreuses villes (Chicago, Denver, Los Angeles, Salt Lake City, Cleveland, Dallas, Indianapolis) ont décidé d’imposer un couvre-feu à leurs habitant·e·s.
Une révolte de classe contre l’ordre dominant
Des syndicats et la gauche se sont également mobilisés. L’Amalgamated Transit Union, le syndicat qui représente les chauffeurs de bus et les agents du métro de tout le pays, a par exemple appelé ses membres à refuser de transférer des prisonniers·ères pour la police.
La colère des populations noires paupérisées qui explose (à nouveau) aujourd’hui dans les rues de centaines de villes états-uniennes ne se limite pas à des manifestations antiracistes, mais remet en cause le système politique dominant.
C’est une révolte de classe contre l’ordre capitaliste et raciste états-unien.
Joseph Daher