France
Gesticulations et impasses de l'islamophobie d'État
À nouveau, un drame fait l’objet d’une récupération du gouvernement français au mépris des enseignant·e·s et des jeunes, tandis que les informations sur les évènements qui ont mené au meurtre tragique de Samuel Paty remontent au compte-goutte.
À la faveur du climat islamophobe qui ne cesse de s’approfondir depuis des décennies et des lois d’exclusion, le gouvernement du président Macron exerce une pression considérable sur les musulman·e·s, organisé·e·s ou non, et la gauche qui soutient la lutte contre l’islamophobie.
Récupération raciste du gouvernement
La liberté d’expression évoquée constamment est de fait réduite à la parole gouvernementale, tandis que la parole des personnes musulmanes est muselée. Ces dernières sont renvoyées à leur confession, et sont accusé·e·s de complicité de meurtre, comme un idéologue bourgeois l’a fait à l’encontre de la militante féministe et antiraciste Rokhaya Diallo sur un plateau de télévision. Par extension, toutes celles et ceux positionnés en dehors du consensus nationaliste et défendent une égalité de traitement des musulman·e·s, à l’instar du Collectif contre l’islamophobie en France, et cinquante autres associations, sont des cibles du gouvernement qui cherche à les dissoudre.
Mener à bien de telles interdictions et dissolutions d’associations sans rapport avec le crime signifie de réduire davantage encore le peu de droits démocratiques restant de l’État de droit. Ces politiques mêlées d’incompétences et d’aventurisme s’inscrivent toujours plus dans un discours d’extrême droite. Elles masquent à peine les insuffisances gouvernementales quant à la gestion de la pandémie de Covid-19. La mise en place d’un couvre-feu, la fermeture de bars et des restaurants en octobre, et la condamnation des cinémas, concerts et théâtres à ne jouer qu’en journée génèrent beaucoup de mécontentement. Dans ce cadre, il y a une volonté gouvernementale de renforcer l’identification et la désignation d’un ennemi bien identifié et rejeté comme exogène.
Quel arsenal juridique pour les politiques répressives du gouvernement ?
Il n’y a pas en fait rien de nouveau avec cette manière dont l’État perçoit et traite les musulman·e·s sur son territoire. Cette perception et ce traitement sont hérités d’une vision colonialiste et raciste, et donc également sécuritaire, en percevant les musulman·e·s comme des étrangers·ères aux valeurs nationales (que le pouvoir et ses soutiens appellent République).
Il y a bien le Conseil français du culte musulman, mais il s’agit d’une instance cooptée par l’État et disposant d’une représentativité et d’une légitimité très faible parmi les musulman·e·.s. La dynamique de l’islam de France est marquée majoritairement par un engagement indépendant de toute influence étatique locale et étrangère, à l’instar de la plateforme « Les Musulmans », qui rassemble toutes les associations et mosquées de France qui souhaitent travailler en commun.
Cette initiative d’ampleur nationale, réunissant des milliers d’acteurs et actrices de terrain et des centaines d’organisations, est née de la grande Consultation des musulmans de France, initiée par un groupe de travail en mai 2018. Cette plateforme collaborative tient à se préserver de tout centralisme et à cultiver une diversité, à l’image des différents courants qui traversent l’islam.
C’est une position bien plus laïque que ce qu’en dit le gouvernement. Face à l’exclusion sociale dont sont victimes les musulman·e·s, se mettent en place des dynamiques d’auto-organisation et de participation à la vie locale qui ne se réduisent pas qu’à l’adhésion religieuse. Elle est aussi traversée par des questionnements politiques. Une association féministe musulmane telle que Lallab, au même titre que d’autres associations féministes, fait un travail de valorisation des femmes musulmanes. C’est ce type d’initiatives, d’espaces d’élaboration et de discussion indépendante que le gouvernement cherche d’abord à intimider et idéalement à interdire.
Cependant, le seul résultat à ce jour des privations démocratiques visant les musulman·e·s est de donner des gages à l’extrême droite et autres mouvances fascisantes et d’encourager leurs actions réactionnaires.
Résistance et solidarité
Il est aujourd’hui vital de résister aux politiques répressives du gouvernement français. Il faut faire preuve de solidarité et défendre le droit de toutes et tous à s’organiser comme ils et elles le souhaitent. On n’attendra pas que se produisent d’autres drames pour affirmer cette volonté de vivre et donc résister ensemble. Il est inacceptable que perdure ce hold-up des représentations des musulman·e·s de France, pour nous faire taire et nous intimider. Soyons fiers·ères d’avoir manifesté le 10 novembre 2019, et continuons le combat pour l’égalité et la justice sociale.
Sellouma