Chine
Chine : routes de la soie et main de fer
La région autonome ouïgoure du Xinjiang a connu de multiples répressions et oppressions au cours de son histoire. Pour le gouvernement chinois, ce territoire est devenu stratégique.
Lorsque la République populaire de Chine est proclamée en 1949, l’ethnie Han ne représente que 7 % de la population dans la région du Xinjiang. Le pouvoir central proclamera cette dernière région autonome en 1955.
Néanmoins la volonté du gouvernement est de modifier la composition ethnographique de sa population. Un corps paramilitaire est chargé de défricher les terres arables et de les exploiter. Ce seront les bingtuan, véritables colons, qui emploient aujourd’hui 2,8 millions de personnes et dont la production représente 17 % du PIB régional. Concentrés dans des grandes villes (Urumqi, Korla, Karamany, Shinezi), cette population à 95 % han est active dans l’agriculture intensive de la tomate et du coton.
La population compte désormais 8,5 millions de Hans (37 %), qui côtoient 11,2 millions d’Ouïgour·e·s (49 %) et 1,5 millions de Kazakhs. La colonisation intensive a notamment provoqué un net recul de la population ouïgoure dans les grandes villes.
De grands écarts de revenus économiques sont aussi observés selon l’origine des habitant·e·s. À Karamay (majoritairement han), le PIB par habitant·e est de 66 674 yuans (en 2004) contre 2245 yuans à Khotan (majoritairement ouïgoure).
Le tour de vis répressif
Après les attentats du 11-Septembre, le pouvoir central a resserré son emprise sur la région. Cette intervention va encore exacerber les conflits, après les violents affrontements survenus en 1997. Ce mécontentement est d’abord le résultat de l’accaparement des terres et du contrôle des principaux secteurs économiques par les émigré·e·s chinois·es.
La répression han alimente le ressentiment des populations musulmanes et turcophones. Lorsqu’en 2009 éclatent des émeutes à Urumqi, la violence policière se déchaîne, faisant près de 200 mort·e·s et enclenchant une spirale infernale. Aux destructions de mosquées ou de sites culturels, aux fouilles et arrestations répondent des attaques contre le forces de l’ordre. Des attentats terroristes se produisent en 2013 et 2014. La porosité des frontières avec l’Afghanistan et le Pakistan facilite l’infiltration de groupuscules djihadistes.
Pour reprendre le contrôle de cette zone, le gouvernement de Pékin va déployer des moyens radicaux. Des déportations massives sont organisées, visant entre 1 à 2 millions de Ouïgour·e·s, dans des centres d’internement où les prisonniers·ères subissent un endoctrinement forcé. D’autres sont emprisonné·e·s arbitrairement. Xi Jinping impose un programme idéologique ethno-nationaliste brutal visant à la sinisation de la langue, de la religion et de la culture.
Sous prétexte de déradicalisation religieuse, une répression générale est ainsi organisée, visant également les membres ouïghours et kazakhs de l’appareil politique local.
Un impéralisme par l’immigration
Après cette étape de « sécurisation maximale », Pékin relance l’immigration pour « siniser » davantage la région. Les offres d’emploi pour les postes dans la surveillance, l’agriculture et la fonction publique présentent des avantages matériels substantiels (loyers gratuits, hauts salaires, prêts) destinés aux « stabilisateurs loyaux » et sont censés stimuler une nouvelle vague d’immigration, effrayée par l’insécurité et les internements. Ces derniers ont d’ailleurs déstabilisé toutes les activités locales.
Cette politique de sécurisation-sinisation découle de la position stratégique de cette région. La partie terrestre du projet des « nouvelles routes de la soie » reliant la Chine à l’Asie centrale et à la Russie passe par le Xinjiang. Cette zone permet à la Chine de surmonter la fragilité de ses portes maritimes, exposées en cas de tensions militaires avec Taïwan ou les USA, et d’assurer son approvisionnement énergétique via des oléoducs et des gazoducs. Cet objectif explique la brutalité et l’échelle de la répression et de la « normalisation », mené au nom de « l’harmonie ethnique ».
Une longue histoire de conflits
Cette région d’Asie centrale a connu depuis longtemps de grands mouvements de population, au gré des migrations et des invasions. L’arrivée des Ouïgour·e·s au Xinjiang est estimée aux environs du 9e siècle. La région subira ensuite les expansions de l’Empire mongol, puis celle de la dynastie mandchoue. Un bref émirat musulman sera établi, avant que l’empire chinois en reprenne le contrôle.
Une première république islamique (1933-1934), puis une seconde République du Turkestan Oriental dans l’ouest (1944–1949), soutenue par l’URSS, verront le jour. Ensuite viendra l’occupation par la République populaire de Chine dès 1949.
C’est une longue histoire régionale faite d’occupations, de répressions et de changement statuts politiques. La population y a été ballottée en permanence par des puissances extérieures. Il n’est donc pas étonnant que renaissent des courants nationalistes, réclamant plus de libertés et d’indépendance.
José Sanchez