Brésil

Déclin du bolsonarisme et percée du PSOL

Le 29 novembre dernier était un jour sombre pour l’extrême droite brésilienne. Les résultats des élections municipales indiquent un bolsonarisme en déclin et une gauche radicale renforcée. Entretien avec Israel Dutra, secrétaire des relations internationales du Parti Socialisme et Liberté (PSOL).

Edmilson Rodrigues, candidat du PSOL lors de sa campagne victorieuse à la mairie de Belém
Edmilson Rodrigues, candidat du PSOL lors de sa campagne victorieuse à la mairie de Belém

Quel bilan tirez-vous de ces élections municipales ?

Elles ont été une grande victoire pour le PSOL, avec des campagnes qui ont fait le pari de la radicalité dans le programme et dans la lutte contre l’extrême droite bolsonariste. La campagne s’est démarquée par des candidatures de femmes, de personnes noires et trans, qui ont pris une place inédite dans la politique institutionnelle brésilienne. Nous avons obtenu des succès dans des villes importantes, comme à São Paulo avec l’arrivée au 2e tour de Guilherme Boulos, et à Belém, où nous avons gagné la mairie d’une métropole avec Edmilson Rodrigues. Nous avons fait élire 88 conseiller·ère·s municipaux·ales dans tout le pays, en plus de la mairie de Belém et d’autres plus petites villes. Tout cela a confirmé que le PSOL est le principal parti de la gauche brésilienne.

C’était aussi une défaite pour Bolsonaro et l’extrême droite, qui n’ont pas réussi à faire élire la majorité des candidat·e·s qu’ils ont soutenus. C’était aussi un échec pour les partis de la gauche traditionnelle comme le Parti des Travailleurs (PT) et le Parti Communiste (PcdoB), qui ont perdu passablement d’espace.

Cet espace perdu par le bolsonarisme et par ces partis de gauche a été majoritairement occupé par la droite traditionnelle, ce qui reflète la force des machines électorales dans différentes localités du pays. Pour moi, cela cache deux mouvements : d’un côté, une institutionnalisation du bolsonarisme et un mouvement en direction de la droite institutionnelle et, de l’autre, une radicalisation politique vers la gauche démontrée par la percée du PSOL. Ces résultats ont aussi été très influencés par une nouvelle situation politique dans le continent. L’Amérique latine et les États-Unis ont connu des processus de luttes intenses dans les rues en réponse à l’avancée internationale de l’extrême droite, qui ont influencé politiquement le Brésil. Les résultats électoraux au Brésil sont le reflet d’un processus de polarisation politique international profond.

Quel a été l’impact de ces élections pour la configuration de la gauche brésilienne ?

Pour nous, du PSOL, c’était une grande victoire, un changement qualitatif pour le parti, qui n’est plus vu comme un petit parti, mais devient l’une des principales forces politiques du pays, avec une position idéologique très solide et des figures très représentatives des luttes sociales. D’un autre côté, les partis de la gauche et du centre-gauche traditionnels ont connu des défaites significatives. Le PT, qui est encore le plus grand parti de gauche du pays, n’a fait élire aucun·e maire dans les capitales, et le PcdoB a perdu la moitié des mairies qu’il contrôlait

Ceci est probablement le reflet des décennies d’adaptation de ces partis à l’institutionnalisme, aux compromis passés avec la bourgeoisie corrompue, qui font aujourd’hui payer un prix à la population. Néanmoins, il est également important de noter que le PSOL est encore bien plus faible que ces partis au niveau électoral, et a un long chemin à parcourir en tant qu’alternative indépendante.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Cette victoire nous a beaucoup encouragé·e·s, mais nous ne pouvons pas oublier que nous vivons dans contexte très dangereux au Brésil, avec un gouvernement d’extrême droite dirigé par un président visiblement fasciste qui intensifie la crise du coronavirus par son négationnisme scientifique, tout comme en ce qui concerne la question environnementale ou les violences racistes. Jair Bolsonaro est un dirigeant criminel et toutes nos forces, dans les deux prochaines années, doivent être consacrées à le vaincre.

C’est pourquoi, la prochaine étape sera de combiner l’affirmation du programme du PSOL dans les luttes économiques et démocratiques avec une unité large de toute la gauche, le centre-gauche et même les secteurs non-­autoritaires de la bourgeoisie, pour vaincre le danger fasciste. La jonction d’un programme politique solide avec une tactique d’unité d’action large contre le bolsonarisme est un processus clé pour la défaite de Bolsonaro parmi le peuple, et la classe ouvrière en général. C’est dans cette perspective que nous construisons le PSOL quotidiennement.

Propos recueillis et traduits par Gabriella Lima