Indonésie

Moins de salaires et plus de profits… What else ?

En plus du soutien à la production d’huile de palme, l’accord de libre-échange avec l’Indonésie promet de juteux profits aux capitalistes suisses et indonésiens aux dépens des travailleur·euse·s, en particulier en Indonésie.

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Action de Greenpeace sur un siège de Nestlé à Francfort dans le cadre de sa campagne contre l’huile de palme de 2010

Les États de l’Association européenne de libre-échange, l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse, ont signé un accord de libre-échange (ALE) avec l’Indonésie en décembre 2018. Cet accord a été approuvé par le Conseil fédéral, puis par le Conseil national en décembre 2019. Un référendum, lancé par des particuliers·ères et le syndicat Uniterre, a recueilli les 50 000 signatures nécessaires et sera l’un des objets du vote le dimanche 7 mars 2021.

L’enjeu est de taille. L’Indonésie est le quatrième pays le plus peuplé du monde. Elle se classe parmi les 20 premières économies mondiales. À l’heure actuelle, les importations et les exportations avec l’Indonésie restent marginales par rapport au commerce extérieur total de la Suisse. Il existe toutefois une marge de progression considérable. Le commerce entre la Suisse et la Chine a explosé depuis la signature d’un ALE en 2013 (+168 % en valeur du commerce total entre 2009 et 2019). Le patronat est dans les starting-blocks, comme en témoigne un article de la Neue Zürcher Zeitung publié en janvier 2020 : « L’Indonésie sera-t-elle demain l’alternative à la Chine ? »

Suppression des droits de douane

En quoi consiste cet ALE ? Il élimine les droits de douane de 98 % des exportations suisses vers l’Indonésie. À terme, les principaux secteurs qui vont profiter de cette suppression sont les secteurs de l’alimentation, de l’industrie chimique et pharmaceutique, des machines-outils et de l’horlogerie. Ils bénéficieraient en effet d’une économie de droits de douane de plus de 25 millions de francs suisses par an. Une exception notable parmi les domaines économiques d’importance en Suisse est le textile, qui est sensible pour l’Indonésie. Il s’agit de son secteur d’exportation le plus important et ne fera pas l’objet d’une réduction des droits de douane.

Par conséquent, les produits suisses exportés en Indonésie y coûteraient moins cher. L’ouverture du commerce développerait de nouveaux marchés pour le secteur alimentaire suisse. Cet ALE assurerait donc à Nestlé de plus grands profits. La société transnationale suisse est aujourd’hui l’un des leaders mondiaux du commerce de café avec sa filiale Nespresso. L’ouverture du marché Indonésien stimulerait la concurrence sur ce marché. Or, l’Indonésie est le troisième producteur mondial de café. La production locale subirait une pression à la baisse sur les prix. Ayant une marge de manœuvre bien plus réduite que celle des multinationales suisses du trading, les petit·e·s producteurs·trices devraient payer le prix de la concurrence accrue.

Protection intellectuelle et libéralisation des services

D’autres mesures viennent s’ajouter à la suppression des droits de douane, comme la protection des droits de la propriété intellectuelle. C’est un enjeu majeur du commerce international et elle profitera aux entreprises suisses, le secteur pharmaceutique en premier lieu. Novartis et Roche verraient leurs médicaments brevetés mieux couverts face à la concurrence des médicaments génériques moins chers. En conséquence, les prix de certains médicaments augmenteraient, favorisant les actionnaires de la pharma au détriment de l’égalité d’accès à des traitements abordables.

L’accord facilite aussi les investissements directs. Selon le Conseil fédéral, les investisseurs·euses suisses sont très intéressé·e·s par l’industrie manufacturière indonésienne. L’accès aux investissements dans ce secteur serait alors largement ouvert, renforçant les possibilités de délocalisation en Indonésie.

En outre, les entreprises suisses actives dans le secteur des services, telles que les banques et les compagnies d’assurance, ne sont pas en reste. L’accord vise également à libéraliser le commerce des services conformément aux accords généraux de l’Organisation mondiale du commerce sur le commerce des services. Dans l’ensemble, l’acceptation de l’accord ouvrirait de larges perspectives pour de juteux profits en faveur des multinationales basées en Suisse et d’une partie de la bourgeoisie en Indonésie, et ceci aux dépens des travailleur·euse·s locaux·ales et des petit·e·s producteurs·trices.

Le principal problème des importations indonésiennes en Suisse est lié à l’huile de palme. Le comité référendaire contre l’ALE se concentre à juste titre sur les drames écologiques et sociaux causés par sa production et son commerce. Mais cet axe de campagne ne doit pas cacher les énormes perspectives de profits pour les capitalistes suisses et les grand·e·s actionnaires de Nestlé, Roche, UBS ou Crédit Suisse. Cet ALE permettrait de renforcer la position centrale de la place économique suisse – son secteur industriel, commercial et de services – au sein de la mondialisation.

Julien Nagel