Italie
Sur la grève générale
Le 11 octobre, les syndicats de base militants, entre autres Unione Sindacale di Base (USB) et Sindacato Intercategoriale – Comitati di Base Si Cobas, ont appelé à la grève générale. Officiellement, plus d’un million de salarié·e·s ont arrêté de travailler dans les secteurs public et privé.
Outre ce million de grévistes, 100 000 personnes, dans 40 villes du pays, ont pris la rue contre la précarité, les fermetures d’entreprises, les délocalisations et les licenciements collectifs. Des associations étudiantes et le mouvement pour le droit au logement ont participé aux mobilisations en amenant leurs revendications spécifiques. Après une longue période de division du syndicalisme de base militant sans mobilisations unitaires et 18 mois de pandémie, le 11 octobre a apporté une bouffée d’oxygène à la lutte des classes. Notons que la grève générale a eu lieu dans un contexte très spécifique. Trois éléments doivent être retenus.
Une crise du travail qui dure
Premièrement, en Italie, une grande partie de la classe ouvrière connaît une situation socio-économique toujours plus précaire. Selon une étude de l’OCDE, l’Italie est le seul pays européen où les salaires réels ont diminué en 30 ans. Entre 1990 et 2020, la diminution a été de 2,9 % : à titre de comparaison, durant la même période, on assiste à une forte augmentation dans les pays d’Europe de l’Est et à une progression continue dans tous les pays d’Europe centrale. De plus, l’Institut national de sécurité sociale constate qu’au cours de cette période, la part des working poors est passée de 25 % à 33 % de la population active.
À la fin juin 2021, le gouvernement de Mario Draghi a exaucé le souhait de l’association patronale Confindustria en abolissant la protection contre les licenciements liés à la crise du coronavirus. Sans attendre, les entreprises ont recommencé à licencier dès le 1er juillet pour raisons économiques et à délocaliser la production industrielle dans des pays de l’Europe de l’Est. Presque un million de places de travail ont été éliminées dans les derniers 18 mois, au sein de grandes entreprises comme GKN ou Whirlpool, mais également dans les petites et moyennes entreprises qui constituent la base productive des exportations industrielles italiennes. Jusqu’à la fin de l’an 2021, d’autres licenciements et fermetures d’entreprises sont prévus.
Un retour au bipolarisme
Deuxièmement, les 3 et 4 octobre derniers, des élections communales ont eu lieu dans plus de 1300 communes, entre autres dans les cinq plus grandes villes du pays (Turin, Milan, Bologne, Rome et Naples). Pour la gauche radicale et alternative, les résultats électoraux sont assez amers. La grande gagnante de ces élections a été l’abstention : 55 % des ayant·e·s droit n’ont pas voté. Ce sont surtout les jeunes générations qui, à cause d’une désillusion croissante envers les institutions politiques, ont décidé de s’auto-exclure du processus démocratique.
Le résultat du vote a confirmé le retour au bipolarisme avec le renforcement relatif des deux pôles centre-gauche et centre-droit, même si, en termes absolus, les deux camps ont perdu du terrain électoral. Enfin, ces élections ont entériné la fin de l’option populiste italienne du Mouvement 5 Étoiles et son intégration dans le camp de centre-gauche. Ces éléments ont réduit l’espace politique institutionnel de la gauche radicale et alternative.
Une loi qui cible la gauche syndicale et radicale ?
Troisièmement, le samedi 9 octobre, pendant une manifestation contre l’obligation de présenter le certificat Covid (Green Pass, en Italie) dans les lieux de travail, le parti néofasciste Forza Nuova a attaqué le siège principal de la confédération syndicale CGIL. Une centaine de militant·e·s d’extrême droite sont entré·e·s dans son siège et ont détruit les bureaux. La police n’a quasiment rien fait pour empêcher cette attaque.
Le lendemain, le Parti démocrate a annoncé qu’il travaillerait à une proposition de loi pour suspendre l’organisation néofasciste et violente. Mais les partis institutionnels ont dévié la discussion en proposant d’étendre la suspension à toute organisation qui pratique des actions dites violentes. Il s’agit ici clairement d’une attaque contre les forces sociales et syndicales de gauche, notamment les syndicats de base militants, qui s’engagent souvent dans des actions de blocage (de rues, de ports, etc.) pour atteindre leurs revendications. Est-ce que ce type d’actions sera aussi défini comme violent ?
Dans les mois à venir, le gouvernement, les syndicats confédéraux et les associations patronales renforceront leur alliance néocorporatiste. Dans ce contexte sociopolitique, il est fondamental de continuer à affirmer un point de vue de classe et se regrouper contre les futures attaques patronales. La grève générale du 11 octobre a constitué un point de départ dans un automne qui s’annonce plus chaud que d’habitude.
Maurizio Coppola
Militant de Potere al Popolo