AVS 21

Les syndicats au cœur du combat référendaire

Dans la bataille référendaire contre AVS21 l’Union syndicale Suisse (USS) est le fer de lance de la récolte de signatures. Au sein des syndicats, la bataille pour un système de retraite équitable et solidaire est menée depuis de nombreuses années. Nous nous sommes entretenue·x·s avec Michela Bovolenta, secrétaire centrale du Syndicat des services publics (SSP) et membre de la commission fédérative des femmes de l’USS. 

Une foule de manifestants contre AVS21
Manifestation contre AVS 21, Berne, 18 septembre 2021

En comparaison avec les combats menés contre les précédentes réformes le contexte en 2022 est très particulier. On voit clairement une différence avant/après la Grève Féministe. Au sein des syndicats comme en dehors, s’opposer à AVS 21 semble être une évidence, alors que la lutte contre PV 2020 était bien plus rude. Comment expliques-tu cela ?

Il faut se rappeler que, bien que minoritaires, nous avons gagné la votation contre PV 2020 en septembre 2017. Cela montre que l’opposition à l’augmentation de l’âge de la retraite est très ancrée dans la population, car cette mesure impacte directement et profondément la vie des salariées. Cette victoire n’avait rien d’évident : contre nous, il n’y avait pas seulement la droite, mais aussi la gauche institutionnelle quasi compacte qui a mené une campagne très active, notamment Alain Berset, mais aussi des personnalités comme Ruth Dreifuss qui a sillonné toute la Suisse pour promouvoir PV 2020. 

Puis il y a eu le succès historique de la Grève Féministe, qui a permis de relancer et d’inscrire dans un combat légitime les revendications féministes, mais aussi de booster les femmes syndicalistes, politiciennes, militantes pour s’affirmer et affirmer leur point de vue : alors que beaucoup avaient « avalé la couleuvre » de PV 2020 et s’étaient pliées au dictat de leur parti ou syndicat, après la Grève Féministe, AVS 21 a fait d’emblée l’unanimité contre elle.

L’USS prend un rôle central dans cette phase référendaire, notamment en ce qui concerne les récoltes de signatures. Est-ce que cela démontre la force de l’appareil syndical ?

Comment imagines-tu cet aspect durant la campagne ? L’USS joue son rôle en tant qu’organisation faîtière et plus grande organisation syndicale du pays. S’il va être facile de faire aboutir le référendum, l’USS sait que la campagne de votation sera rude. 

La droite, qui a perdu déjà en 2004 et en 2017, va tout mettre en œuvre pour gagner. Elle veut faire sauter le verrou de la retraite à 64 ans pour imposer une augmentation de l’âge de la retraite pour tout le monde et une accélération de la baisse du niveau des rentes, notamment dans le 2e pilier : les premiers débat sur la LPP 21 montrent une droite intransigeante qui ne concède rien. 

Dans la campagne, la droite va mettre en avant les politiciennes bourgeoises qui vont argumenter que l’égalité est réalisée : il suffit à une femme de vouloir pour pouvoir. Or, si elles et leurs conjoints font carrière, c’est grâce au travail d’autres, en majorité des femmes, souvent des migrantes, qui s’occupent de leurs ménages, de leurs enfants, de leurs parents âgés. Ces travailleuses ont en majorité des salaires bas, des temps partiels, des contrats précaires et des parcours discontinus qui ne leur permettent pas d’épargner pour leur retraite, voire de s’offrir une retraite anticipée.

Depuis des années la droite tente d’imposer des réformes et la gauche s’y oppose par le biais du référendum. Est-ce que le mouvement syndical arriverait à mettre un terme à ces attaques récurrentes ?

Ce sera difficile. La droite et le patronat veulent aller toujours plus loin, aussi loin qu’ils peuvent le faire dans un contexte et un rapport de force donnés. Ils ne font de concessions que s’ils y sont obligés et s’ils y trouvent un intérêt pour leur classe. 

Les retraites sont une conquête du mouvement ouvrier, qu’il nous faut défendre car aucun acquis ne l’est pour toujours. La droite n’arrête jamais : elle a beau avoir perdu deux fois, elle remet l’ouvrage sur le métier, encore et encore dans l’espoir d’user l’adversaire. Elle peut compter parfois sur la complaisance voire la collaboration active de la gauche institutionnelle. 

Sur la question des retraites, elle se heurte à la résistance populaire qui, en Suisse, a pu s’exprimer grâce au référendum. La droite voudrait d’ailleurs « dépolitiser » la question de l’âge de la retraite, ce qui veut dire en clair qu’elle vise à empêcher le peuple de s’exprimer sur cette question : c’est le sens des propositions pour « adapter » l’âge de la retraite à l’espérance de vie, comme le propose l’initiative des Jeunes Libéraux. 

Si une telle initiative devait passer, ce serait la fin d’un âge de la retraite fixe et le début d’un allongement sans fin de la vie au travail. À terme, pour lutter efficacement contre ces attaques récurrentes, il faudrait relancer une bataille offensive pour une diminution massive du temps de travail. 

Propos recueillis par notre rédaction