Les trois piliers de la prévoyance vieillesse

La retraite fonctionne en Suisse sur le modèle des trois piliers. Cet article revient sur le fonctionnement de ce système pour éclairer les différents enjeux qui traversent la prévoyance vieillesse en Suisse. 

manifestants à Lausanne avec une banderole Les femmes passent à la caisse les actionnaires encaissent
Défilé du 8 mars 2019, Lausanne

Précisons tout d’abord que la prévoyance sociale dans un système capitaliste, obtenue grâce aux nombreuses luttes des salarié·e·s, découle du fait que chacune et chacun est contraint·e de vendre sa force de travail pour vivre. Or, le salaire correspondant dépend notamment du temps passé au service de l’employeur·euse. Par conséquent, les salarié·e·s se retrouvent sans ressources lorsqu’ils·elles ne sont plus en âge de travailler. La prévoyance vieillesse est là pour compenser partiellement cette absence de revenu. Il s’agit d’un salaire différé pour la part du financement provenant des employeurs.

L’AVS (assurance vieillesse et survivants)

Ce pilier fonctionne selon le principe de la répartition. Les cotisations prélevées sur les salaires servent au paiement des rentes. Les cotisations de 8,7 % sont payées pour moitié par l’employeur·euse et le salarié·e. Un complément de financement est assuré par la Confédération et par l’attribution d’une petite partie de la TVA ainsi que par le rendement du fonds de réserve. En 2020, en chiffres ronds, les cotisations ont représenté 34 milliards, les contributions des pouvoirs publics un peu plus de 12 milliards et le rendement du capital 1,3 milliard. Le capital de réserve s’élève à 47 milliards de francs.

La rente minimale pour une personne seule est de 1195 francs par mois et de 2390 francs au maximum. La rente pour les couples s’élève à 150 % de la rente simple maximum. Le montant dépend des années de cotisation ainsi que du montant des salaires. En 2020, seuls 58 % des bénéficiaires de rente touchaient une rente complète, ce sont surtout les femmes et les étrangers·ères qui reçoivent des rentes incomplètes. La rente moyenne des hommes est de 1722 francs et celle des femmes de 1672 francs. Mais l’écart entre les hommes et les femmes est bien moindre que dans le 2e pilier. Les rentes sont adaptées à l’évolution des salaires et des prix.

Le 2e pilier

À l’évidence l’AVS ne permet pas de vivre et n’assure par les besoins vitaux, pourtant prévus par la loi. Le deuxième pilier est censé couvrir, avec l’AVS, 60 % du dernier salaire. Il repose sur le principe de la capitalisation : le capital accumulé de chaque assuré·e et son rendement est converti en rente. Les cotisations sont payées au minimum pour moitié par l’employé·e et l’employeur·euse. Dans la réalité, et en moyenne, les cotisations sont proches de 40 % pour l’employé·e, 60 % pour l’employeur·euse. 

Il faut gagner au minimum 21 510 francs par emploi pour cotiser au 2e pilier ce qui exclut nombre de personnes, surtout des femmes, travaillant à temps partiel ou touchant de petits salaires. Enfin, le taux de cotisation progresse avec l’âge. Le salaire obligatoire maximum assuré est de 86 040 francs Il est possible de cotiser au-delà de ce montant.

Le capital accumulé doit être rémunéré au taux de rendement minimal décidé par le Conseil fédéral. Ce rendement est actuellement de 1 %. Ce taux a baissé ces dernières années alors qu’en moyenne les rendements ont été supérieurs. Les rentes versées sont déterminées par le taux de conversion qui tient compte de l’espérance de vie. Il est actuellement de 6,8 % (6800 francs annuel pour un capital de 100 000 francs). Ce taux a diminué plusieurs fois depuis vingt ans et la droite demande à ce qu’il soit fixé à 6 %. En 2020, le capital du 2e pilier était de 1064 milliards de francs.

En 2019, le montant médian des nouvelles rentes du 2e pilier des hommes s’élevait à 2144 francs contre 1160 francs pour les femmes. Le système de la capitalisation désavantage largement les femmes qui ont des salaires plus bas et des vies professionnelles réduites.

Le 3e pilier

Il consiste en une épargne volontaire bloquée jusqu’à l’âge de la retraite et qui bénéficie d’un taux d’intérêt préférentiel. Cela peut prendre aussi la forme d’une assurance vie. Les montants épargnés bénéficient d’une déduction fiscale jusqu’à un montant de 6883 francs pour un·e salarié·e et 34 416 francs pour les indépendant·e·s. Environ deux tiers des personnes en activité cotisent au 3e pilier. Le capital cumulé atteignait 123 milliards en 2018. En 2020, les montants mensuels médians versés aux nouveaux·elles rentiers·ères sous la forme d’assurance vie s’élevaient à 673 francs (705 pour les hommes et 625 pour les femmes). Ce troisième pilier favorise les salarié·e·s et les indépendant·e·s qui ont les moyens d’épargner et cela contribue à réduire l’imposition des plus hauts revenus.

Bernard Clerc