Offensives contre les retraites dans le monde entier
Les attaques actuelles de la bourgeoisie sur les rentes des travailleur·euse·x·s suisses ne sont pas isolées et s’inscrivent dans un contexte large de fort affaiblissement, voire de destruction, des acquis sociaux et des assurances sociales. Le principe de solidarité intergénérationnelle et de cotisation par répartition, représenté dans notre système par l’AVS, est attaqué et l’âge de départ à la retraite relevé. De toutes parts, les travailleur·euse·x·s précaires sont les principales victimes de cette offensive néolibérale continue pour allonger la durée du travail.
En Allemagne, fer de lance des réformes néolibérales du système de rentes, l’âge de départ à la retraite s’élève d’ores et déjà à 67 ans. Les retraité·e·s allemand·e·s vivent souvent dans une précarité extrême, avec une rente de base moyenne de 711 euros pour les femmes et de 1148 euros pour les hommes. Ces rentes de base sont censées se compléter avec des dispositifs de retraites complémentaires et des dispositifs d’épargne individuelle. Un modèle qui se rapproche des trois piliers du système suisse. La politique menée par le gouvernement d’Angela Merkel ces dernières années a par ailleurs fortement contribué à renforcer le modèle d’épargne par capitalisation.
En France, la réforme prévue depuis 2019 par le gouvernement Macron veut faire passer le système actuel, caractérisé par des régimes spéciaux, à un système de retraites « universel » dit par points, où le niveau de pension n’est plus garanti, mais devient une variable d’ajustement en fonction de facteurs économiques externes. Cette réforme vise elle aussi un relèvement progressif de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Le départ anticipé resterait possible pour certaines catégories professionnelles: policiers·ères, gendarmes, militaires, gardien·ne·s de prison… Un tel système existe déjà dans d’autres pays européens comme l’Italie ou la Suède, avec des baisses importantes du montant des rentes.
Ce projet de loi a été accepté par l’Assemblée nationale en première lecture en mars 2020, avant d’être temporairement suspendu, la faute à la pandémie et, davantage même, en vue des élections présidentielles de cette année.
Espoir de réforme en Amérique du Sud
De l’autre côté du globe, le Chili, pays qui a servi de laboratoire expérimental au système de retraite basé sur le principe de capitalisation, pourrait être porteur d’espoir pour celleux qui, dans notre camp social et partout à travers le monde, se mobilisent pour des rentes féministes, écologiquement soutenables et solidaires. Le système de retraite actuel, hérité du temps de la dictature de Pinochet, repose sur des Administrations de fond de pension (AFP), des organismes privés chargés de valoriser les placements que les travailleurs·euses·x doivent leur confier sur les marchés financiers. Dans les faits, la moitié des personnes supposées cotiser via les AFP ne le font pas, faute de moyens financiers, et celleux qui peuvent se le permettre finissent par toucher des rentes qui ne dépassent pas les 37 % de leur salaire. En parallèle, les masses monétaires amassées par les AFP représentent 65 % du PIB chilien.
Depuis 2016, une coalition No+AFP s’organise et se mobilise pour demander la suppression des AFP et l’instauration d’un système de retraite solidaire et juste. En 2017, une manifestation organisée par la coalition a réuni plus de 2 millions de personnes à travers le pays. La victoire de Gabriel Boric aux élections le 19 décembre 2021 devrait venir appuyer cette revendication issue du mouvement social. Le président s’est engagé à proposer une réforme de fond du système de retraite, géré de manière publique, sans les AFP. L’enjeu pour No+AFP consiste donc à s’assurer, par la mobilisation populaire, que Boric, élu grâce à une alliance de la gauche plurielle face au candidat d’extrême droite José Antonio Kast, tienne ses engagements de campagne et initie ce changement.
L’exemple du Chili doit nous montrer le chemin à suivre pour exiger un système de retraites féministe, écologique et solidaire. Nous ne devons pas nous cantonner à des batailles défensives. La droite néolibérale, la bourgeoisie et le patronat sont prêts à tout pour nous faire travailler plus longtemps, pour des rentes toujours plus faibles. Nous devons leur opposer un front large, syndical, féministe, écologique. Nous devons défendre, partout où cela est possible, nos propositions de refonte du système des 3 piliers, avec un renforcement de l’AVS, la suppression du 2e pilier et de ses caisses de pension qui investissent dans des marchés écocides et une baisse de l’âge de départ à la retraite pour tou·te·x·s.
Rosie Moser