La monnaie, du pouvoir de la finance à la souveraineté des peuples

Rémy Herrera, économiste et chercheur au CNRS publie un excellent outil pour qui veut comprendre ce qu’est la monnaie et comment elle s’insère dans les rapports de force économiques et politiques du monde capitaliste contemporain. 

Graffiti représentant un homme qui détruit un signe dollar

Après avoir exposé les raisons d’être de la monnaie dans une perspective historique, l’auteur montre les évolutions du système monétaire international et l’hégémonie monétaire actuelle des États-Unis basée sur le dollar comme monnaie de réserve. Cette prééminence du dollar est accentuée par la financiarisation de l’économie mondiale en lien avec l’essor du capital fictif. Herrera fait un tour du monde des problèmes et des crises liées à la monnaie en montrant chaque fois l’importance du dollar dans l’émergence de ces crises. Il aborde aussi la question des cryptos-monnaies comme nouvelle forme d’argent fictif.

Aux racines des crises économiques et monétaires qui se succèdent, on trouve les dérégulations et l’intégration des marchés monétaires et financiers dans des réseaux globalisés. Cela renforce le pouvoir de la haute finance et lui permet d’imposer ses intérêts aux économies. À ce propos, le mythe de l’indépendance des Banques centrales est déconstruit. Ces dernières sont surtout au service du capital financier mondialisé et leurs interventions en période de crise le démontre.

Herrera plaide pour une réappropriation de la monnaie par les peuples en partant du principe que la monnaie appartient à toutes et tous. Pour aller dans cette direction, il postule trois transformations indispensables : 

La mise en place de taxations internationales des grandes fortunes, des profits des transnationales et des flux de capitaux financiers.

L’éradication des paradis fiscaux et la suppression de leurs réseaux d’activité.

Le règlement de la dette extérieure. Concernant cette dernière, et pour les pays du Sud, elle a été créée selon les intérêts des pays dominants du Nord en complicité avec les élites locales.

Pour que la monnaie soit au service des peuples, l’auteur postule que celle-ci soit un bien public. Un pays qui veut recouvrer son indépendance monétaire doit se protéger en limitant strictement la mobilité internationale des flux de capitaux. Il doit également regagner la maîtrise complète de sa Banque centrale et refonder son rôle politique dans un cadre national. Enfin, il est indispensable de socialiser les banques privées commerciales avec pour corollaire la constitution d’un secteur bancaire et financier public comprenant le crédit, l’assurance et la finance. 

On le voit, les propositions d’Herrera vont bien au-delà des mesures réformistes d’un meilleur contrôle des activités bancaires. Ce que son ouvrage n’aborde pas, c’est quelles sont les forces sociales susceptibles de porter en avant un tel projet.

Bernard Clerc