France

La Nouvelle union populaire, radicalité ou adaptation?

La fondation de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) regroupe l’Union populaire/La France insoumise, le Parti communiste francais, Europe écologie–Les Verts et le Parti socialiste. Si les objectifs affichés sont clairs (pour une majorité de gauche à l’assemblée nationale avec Mélenchon premier ministre), les contours se sont quelque peu obscurcis depuis l’arrivée du PS dans le regroupement.

Sandrine Rousseau Jean-Luc Mélanchon Danièle Obono et autres figures de la Nupes
Convention de la Nupes, Aubervilliers, 7 mai 2022

L’élection présidentielle a vu la victoire de Macron, avec l’affirmation de trois blocs politiques : celui d’une extrême droite regroupée autour de plusieurs candidatures (dont la principale est Marine Le Pen) ; un bloc qualifié de « populaire » autour de Mélenchon ; en équilibre instable, le bloc majoritaire autour de Macron et de ses politiques ultralibérales et autoritaires. Pour ce dernier, l’enjeu des législatives est d’asseoir une majorité absolue, en continuant de siphonner à la fois la « droite républicaine » et le PS (en crise ouverte à propos de la signature de l’accord de la Nupes). 

Quand le Parti socialiste s’invite

Dans le courrier adressé mi-avril 2022 par l’Union populaire (UP) au PCF, à EÉLV et au NPA, les objectifs du regroupement étaient posés : « stabiliser et enraciner davantage encore le pôle populaire pour le rendre disponible et majoritaire aussitôt que possible », « à partir de celui [le programme] qui a recueilli le plus de votes à l’élection présidentielle : ‹ L’avenir en commun › ».

Quelques jours plus tard, le vote du conseil national du Parti socialiste en faveur de discussions avec l’UP a rouvert la possibilité d’un accord incluant cette force marquée par le social-libéralisme, en particulier avec le récent quinquennat d’Hollande. Ce vote peut avant tout s’expliquer par l’aspiration de ses partenaires traditionnels en direction d’un possible accord avec l’Union populaire. Un appel du pied repris par la direction de l’UP, alors que quelques jours plutôt, certain·es, comme la députée LFI Mathilde Panot déclaraient encore « [qu’]il n’y aura pas de discussion avec le PS, et ce refus est définitif ». Un « refus définitif » devenu donc, deux semaines plus tard, une standing ovation faite au secrétaire national du PS Olivier Faure lors de la convention de la fondation de la Nupes.

Déplacement du centre de gravité ?

À l’heure où ces lignes sont écrites, le programme définitif de la Nupes n’est pas encore sorti. Mais de premières concessions sont apparues dans le cadre de l’accord signé entre l’Union populaire et le PS sur l’emblématique question de la retraite (dont plus grand monde ne comprend l’articulation entre le droit de partir à 60 ans, les 40 annuités, et une possible décote) ou sur la question européenne. En ce qui concerne cette dernière, une première brèche avait déjà été ouverte dans le cadre de l’accord avec EÉLV. S’adapter aux canons d’une Union européenne libérale ou assumer pleinement la désobéissance aux traités afin d’appliquer un programme répondant aux impératifs sociaux et écologiques du plus grand nombre, il faut choisir.

Si l’on prend aussi en compte le très grand nombre de circonscriptions laissé au PS (70) et à EÉLV (100), avec donc de possibles député·e·s éligibles, les signaux d’une rupture avec le social-libéralisme sont devenus – au cours des semaines de discussion en vue de l’accord – plus confus, et de fait, le regroupement plus ambigu sur son profil et ses objectifs. 

Enfin, l’échec des négociations avec le Nouveau Parti anticapitaliste laisse l’Union populaire/La France insoumise, noyau politique central de la Nupes, sans force organisée sur sa gauche pour contrebalancer la pression des forces politiques les plus liées aux institutions.

Et maintenant ?

Avec l’Union populaire et la percée de Mélenchon dans le cadre de la présidentielle (plus de 7,7 millions de voix), est apparue pour la première fois depuis longtemps la possibilité pour une gauche de combat de construire de façon pérenne un front d’action commun dans les urnes et dans la rue en rupture avec le social-­libéralisme. Et même si les objectifs sont portés avant tout dans un cadre institutionnel, sur le terrain électoral, la mise en œuvre des mesures d’un programme tel que celui de « L’avenir en commun » et le niveau d’affrontement que cela suppose avec les classes dirigeantes, inscrivent la démarche dans le prolongement des mobilisations sociales des dernières années.

Dans le contexte d’un nouveau quinquennat Macron annonçant une offensive sociale tous azimuts (à commencer par le recul de l’âge du départ de la retraite à 65 ans) et du danger toujours persistant de l’extrême droite, le sillon de la rupture doit être creusé, d’abord pour féconder les luttes nécessaires à construire dans l’unité et ouvrir la possibilité de reconstruire un nouvel outil pour les exploité·e·s et les opprimé·e·s. Au-delà du seul résultat des élections législatives des 12 et 19 juin 2022, les prochaines semaines diront si la Nupes confirme être un pas en avant en ce sens.

Manu Bichindaritz