France

Un front unique antifasciste toujours d’actualité


Près d’un an après la constitution du Nouveau Front Populaire pour faire face à la menace d’extrême-droite que représente le Rassemblement National, nous avons sollicité nos camarades du NPA pour revenir sur cette expérience politique. Ce texte propose des éléments de discussion pour l’atelier consacré à ce sujet de notre université de printemps 2025.

Une pancarte en faveur de l'union de la gauche
Manifestation contre l’extrême droite, Paris 15 juin 2024

Au lendemain de la dissolution de l’Assemblée nationale, annoncée le 9 juin 2024 par Macron, la création du Nouveau Front Populaire a constitué une avancée majeure. D’abord, parce que si le NFP a pris la forme d’un accord d’appareil, le processus qui lui a donné naissance est parti de la base. Alors les observateur·ices annonçaient la victoire du RN aux élections législatives qui devaient se tenir trois semaines seulement après la dissolution, c’est de manière spontanée que les manifestant·es qui se rassemblaient alors un peu partout en France se sont adressé·es aux appareils de la gauche. 

Au cri de «unissez-vous», iels ont fait appel au souvenir des manifestations qui s’étaient tenues au lendemain de [la manifestation fascisante du 6] février 1934, lorsque la gauche s’unifiait face à la menace fasciste, pour exiger la mise en place d’un nouveau «Front populaire» antifasciste. Réunis sous la pression des manifestant·es qui entouraient leurs permanences, les directions des grands partis de gauche ont été contraintes en 48 heures d’élaborer un accord de rassemblement pour les législatives et un programme d’urgence.

Par ailleurs, si le NFP pouvait paraître comme un front confus, allant de Poutou à Hollande, il s’est toutefois constitué sur des bases radicales. S’il a fallu donner au PS ce qui l’intéressait, autrement dit des dizaines de circonscriptions gagnables, l’accord s’est en effet réalisé sur les bases politiques de la France insoumise, autrement dit sur un programme de réformisme radical. Le programme du NFP prévoyait ainsi que les revendications portées par les récentes luttes seraient immédiatement satisfaites: abrogation de la réforme des retraites, augmentation de 10% des salaires dans la fonction publique, etc. Par ailleurs, il prévoyait des réformes structurelles, qui devaient revenir sur les réformes libérales, tout en mettant en place une série de mesures écologiques, antiracistes et de justice sociale.

Surtout, le NFP a fait la preuve de son utilité, puisqu’il a permis de mettre en échec ce qui était annoncé par tous les instituts de sondage: l’arrivée au pouvoir du Rassemblement National. Porté par la dynamique unitaire et un réel enthousiasme populaire, le NFP a fait le plein des voix, permettant à la gauche d’arriver en tête des suffrages, d’emporter plus d’un tiers des sièges et surtout de mettre en échec le RN que Macron était en train de porter au pouvoir. 

Dans chaque circonscription, des centaines de militantes et de militants de toutes les organisations de gauche se sont rassemblé·es avec des citoyen·nes jusque-là non engagé·es, pour consacrer toute leur énergie à barrer la route aux fascistes. Alors que la gauche française n’a cessé ces dernières années d’accumuler défaites et trahison, le NFP a fait la preuve que la gauche pouvait l’emporter sur une base de rupture politique.

Sans surprise, les institutions antidémocratiques de la Ve République française ont permis à la bourgeoisie de conserver le pouvoir. Battus à plate couture, aux européennes comme aux législatives, les macronistes ont réussi un hold-up institutionnel, qui leur a permis de continuer à gouverner, tout en étant minoritaires. Après avoir passé tout l’été sans gouvernement, Macron a finalement remis à l’automne ses amis au pouvoir, sans que la gauche ne puisse trouver les forces pour s’y opposer.

Sitôt l’élection finie, les grands partis de gauche se sont en effet tous mis d’accord sur un point: il était temps que les affaires reprennent et que les militant·es rentrent chez elleux. Les grands partis ont tout fait que les comités de base cessent d’exister et si certains existent encore aujourd’hui, ils n’ont pas pu se coordonner sérieusement à l’échelle nationale, en raison de l’hostilité des appareils à toute auto-organisation de la base. Dans ce contexte, il n’a pas été possible d’offrir une résistance sérieuse aux manœuvres de Macron et les appareils se sont divisés, en raison des stratégies rivales qu’ils mettaient en œuvre pour préparer l’élection présidentielle de 2027.

Si la dynamique populaire du NFP est aujourd’hui très affaiblie, elle est toutefois loin d’être morte. Et cela pour une raison simple: il n’existe pas d’autre outil susceptible d’empêcher le RN d’arriver au pouvoir. Dans un contexte où le pouvoir macroniste a perdu toute légitimité, où le gouvernement ne tient qu’à un fil et où, dès l’été prochain, une nouvelle dissolution deviendra possible, le NFP constitue un front de résistance indispensable. S’il est pour le moment mis au tapis, il peut à tout moment renaître de ses cendres, dès lors que la menace fasciste prendra de nouveau corps.

Laurent Ripart  membre de la direction du NPA