Royaume-Uni
Les travailleurs·euses refusent de payer pour la crise
Les grèves et luttes des travailleurs·euses se sont multipliées ces derniers mois au Royaume-Uni pour protester contre la détérioration de leurs conditions de vies.
Un docker, les bras en l’air en signe de victoire, sur une planche de surf hydroptère passe à côté d’un gigantesque cargo amarré. Autour de lui, rien ne bouge dans le plus grand port anglais Felixstowe. Presque la moitié du commerce du pays passe par ses docks. Les dockers qui partagent cette image sur les réseaux sociaux jubilent : « sans nous, rien ne bouge ».
1900 d’entre eux·elles se sont mis·es en grève cette semaine pour dénoncer une proposition d’augmentation de salaire de seulement 7 %. Vu la montée en flèche de l’inflation – elle atteint deux chiffres – il s’agit en fait d’une réduction de salaire significative. La grève doit durer huit jours, mais le syndicat a annoncé que d’autres actions suivront si les patrons ne répondent pas à leurs revendications.
Les dockers ne sont pas seul·e·s. Depuis le début de l’été, le pays est secoué par une vague de grèves d’une ampleur sans précédent touchant divers secteurs. Les travailleurs·euses sont en grève avec des revendications plurielles, mais réunies sur un point clair : la crise que nous traversons s’annonce longue et difficile et les travailleurs·euses refusent d’en être les victimes, comme cela avait été le cas lors la crise économique mondiale de 2008. Strike Map, une initiative militante qui donne la possibilité aux travailleurs·euses de signaler leurs grèves, en recense actuellement 2378.
Les travailleurs·euses du rail montrent l’exemple
Le rythme de lutte s’est accéléré considérablement depuis que les conducteurs·trices des trains et métros sont passé·e·s à l’action au début de l’été. Leur syndicat majoritaire – l’Union des Travailleurs·euses Maritime, du Rail, et du Transport (connu sous l’acronyme RMT) – est historiquement un des plus militant du pays.
Malgré les attaques du gouvernement, du patronat et des médias les dénonçant comme des « égoïstes » qui « prenent la population en otage », les cadres syndicaux répètent le même message : nous refusons de payer pour une crise que nous n’avons pas causée et nos membres – ainsi que tou·te·s les travailleurs·euses du pays – méritent une augmentation de salaire. Iels ont aussi appelé tou·te·s les travailleurs·euses à se syndiquer et à se battre pour leurs droits de travail. La Trade Union Congress (TUC), fédération syndicale nationale, a d’ailleurs rapporté une augmentation de 700 % de demandes d’information pour devenir membre d’un syndicat.
La révolte se répand
Les travailleurs·euses organisé·e·s ne sont d’ailleurs pas les seul·e·s à se mobiliser. Des employé·e·s dans un dépôt d’Amazon, à Tilbury, dans l’estuaire de la Tamise, ont appris au début du mois d’août qu’ils·elles ne recevraient une augmentation de salaire que de 35 cents. Furieux·euses, plus de 200 d’entre eux·elles ont spontanément refusé de se remettre au travail et ont occupé la cantine de l’entreprise. L’action a largement circulé sur les réseaux sociaux.
À la fin de la semaine, le groupe Notes From Below, qui offre une plateforme pour des comptes rendus par les travailleurs·euses elleux-mêmes, avait recensé 22 actions spontanées dans 11 sites différents – la plus grande révolte dans l’histoire de la compagnie, tous pays confondus. Si les travailleurs·euses se sont remis au travail depuis – sans avoir encore eu gain de cause – ils·elles ont forcé les employeurs·euses à négocier et ont annoncé une campagne de refus d’atteindre les objectifs qui leur sont fixés.
Beaucoup de choses restent cependant à construire. Aucune victoire significative n’a encore été obtenue. De plus, rien de concret n’a encore été organisé pour la mise en place de grèves coordonnées, malgré des déclarations publiques allant dans ce sens. La nécessité d’une lutte coordonnée se fait donc attendre face à l’intensification de la crise économique et sociale. La question est de savoir si les militant·e·s syndicaux·ales du Royaume-Uni réussiront à accroître leur base populaire et leur champ d’action dans davantage de secteurs.
Un signe positif allant dans ce sens est le développement de mouvements citoyen·ne·s qui refusent également de payer cette crise. Une campagne nommée Don’t Pay (Ne paye pas) a été lancée pour refuser de payer les factures d’énergie exorbitantes à partir du 1er octobre. Une autre initiative, Enough is Enough (Trop c’est trop), vise de son côté à unifier le mouvement de contestation grandissant. Elle est menée par une organisation proche de la gauche du parti travailliste et rassemble des syndicalistes, politicien·ne·s, et divers groupes de militant·e·s.
La lutte – comme la crise – s’annonce longue et dure, mais les travailleurs·euses, se mobilisent et résistent. Ils·elles sont un exemple à émuler dans le reste du continent. Leur lutte, ainsi que les difficultés et les adversaires auxquels ils-elles font face, sont aussi les nôtres.
Sai Englert