Sous les paillettes, la rage

Une femme tient une pancarte Fières vénères et pas prêtes de se taire lors de la Grève féministe 2023 à Genève
Grève féministe 2023, Genève

Le 14 juin 2023, la Grève féministe a montré toute sa puissance. Nos revendications pour un monde solidaire, pour l’abolition du patriarcat, du capitalisme et de la culture du viol sont soutenues largement et se sont exprimées à travers les voix des centaines de milliers de personnes qui ont manifesté dans tout le pays. Quatre ans après la dernière grande grève, notre troisième mobilisation féministe de masse en trois décennies a prouvé qu’aucune d’entre elles n’était un hasard dû à une simple conjoncture favorable. Nous mobilisons les masses par notre travail sans relâche.

La tactique des femmes de droite d’accuser le mouvement d’être « de gauche » s’est retournée contre elles : malgré cette campagne, le tsunami violet a déferlé sur la Suisse.  La population a hurlé son opposition au capitalisme tout en démontrant sa volonté d’inscrire la lutte dans une perspective intersectionnelle et de convergence des luttes. La Grève féministe fait descendre dans la rue, Suisse alémanique comprise, plus de personnes que quiconque n’est capable de mobiliser, et ce sur la base de revendications clairement de gauche. 

Elle lutte parée de violet, en dansant sur des chansons anticapitalistes, à un niveau de politisation et de radicalité jamais atteint depuis des décennies. La bourgeoisie a perdu des plumes dans la lutte des classes. 

Si la droite décrie tant les féministes et ce qu’elle appelle le wokisme, c’est parce que nous sommes une force avec laquelle il faut compter. C’est la peur qui fait montrer les dents aux bourgeois·e·x·s. Iels se rendent bien compte de l’impact que nous avons, que nous influençons le langage, les comportements individuels, mais également les réflexes politiques et l’organisation collective. 

Non seulement nous le faisons, mais nous le faisons par la base et selon nos règles. C’est-à-dire que nous fonctionnons selon des principes horizontaux, dans la bienveillance et en laissant une place à quiconque respecte ces décisions collectives, tout en cherchant constamment à nous empouvoirer les une·x·s les autres. Nous travaillons et pensons ensemble, c’est notre force. Les collectifs sont des lieux d’apprentissage et de formation qui nous ont tou·te·x·s fait évoluer, et nous allons répandre ces pratiques et exigences démocratiques dans la société pour les décennies à venir. 

Nous changeons la Suisse depuis cinq ans déjà, et ce travail colossal continuera à porter ses fruits dans les familles, les associations, les quartiers, les syndicats, les lieux de travail, la politique et les institutions. Nous n’y sommes pas encore, mais nous savons déjà que l’État usera de sa violence dès qu’il se sentira menacé. Mais nous osons imaginer un monde où les femmes, les minorités de genre, les exploité·e·x·s occupent l’espace qui leur revient.  

À l’international, la Suisse ne représente plus seulement le secret bancaire, l’islamophobie et les moutons noirs mais est devenue un modèle féministe qu’on nous envie. Nous nous tenons sur les épaules de nos aîné·e·x·s, à qui nous devons notre existence, et nous montrons la voie. Nous nous soutenons dans une réelle sororité et un amour révolutionnaire. La Grève a constitué des bases militantes solides et formé des générations entières au féminisme. La lutte va s’imposer pour les décennies à venir. 

Aude Spang