PISA: la lutte des classes

PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) compare tous les trois ans les compétences des élèves des pays de l’OCDE. Les résultats publiés en 2023 indiquent une baisse générale. Et si la Suisse se gausse de monter au classement, elle reste marquée par des inégalités criantes.

Manifestation de la fonction publique vaudoise, 23 janvier 2023
Comment améliorer les aptitudes des élèves si les salaires et les conditions de travail des enseignant·e·s se dégradent ? Journée de grève et de mobilisation des salarié·e·s des secteurs public et parapublic vaudois, Lausanne, 23 janvier 2023
SSP Vaud / Valdemar Verissimo

Comme tout critère de comparaison, les données publiées par PISA peuvent être relativisées. Les acquis des élèves ne sont ainsi mesurés qu’en fonction de trois disciplines: la lecture, les mathématiques et les sciences. Cette focale laisse de côté de nombreux aspects, comme la capacité à s’exprimer, à adopter un point de vue critique, à se positionner, à parler plusieurs langues ou encore à créer. PISA réduit ainsi le rôle de l’école à inculquer des compétences passives (comprendre les consignes) et quantitatives. 

On pourrait également questionner la possibilité même d’établir des normes internationales neutres pour étudier les acquis des élèves. Ces études ne mesurent qu’une certaine forme d’intelligence, qui fait fi des différences culturelles et sociales pourtant déterminantes. Enfin, comment ne pas regretter que de telles recherches n’aboutissent souvent qu’à un classement propice au concours d’ego national.

L’impact du covid

La Suisse se vante ainsi d’avoir progressé au classement. Elle est désormais 8e en maths, 13e en sciences, et 18e en lecture. Pourtant ces places gagnées signifient-elles encore quelque chose quand les résultats généraux sont en fait en baisse? La dernière étude PISA montre en effet une baisse inédite et généralisée des acquis des élèves. Cette dernière résulte en grande partie de la fermeture des écoles durant le confinement (la durée relativement courte de cette fermeture en Suisse permettant une baisse des résultats moins prononcée). De fait, les élèves suisses obtiennent des résultats moins bons dans toutes les disciplines par rapport à il y a trois ans. Cette illusion de progression s’explique uniquement parce que les autres pays ont davantage régressé que la Suisse. 

Les professionnel·le·s constatent au quotidien des difficultés d’apprentissage, de comportement ou encore des difficultés à se projeter dans l’avenir, sans parler de l’augmentation effrayante du nombre de mineurs·e·s en détresse psychologique. Pourtant très peu de choses ont mises en place par les États pour prendre en charge ces difficultés scolaires héritées du confinement. Ces résultats devraient inciter les pouvoirs publics à instaurer des mesures ciblées : co-enseignements, soutiens psychologiques et d’orientation au sein des écoles, appuis, etc. 

Championne des inégalités

Au-delà des acquis des élèves, l’étude PISA a également pour intérêt de mettre la réussite des élèves en regard de leur statut économique et de leur genre. Concernant ce dernier aspect, les derniers résultats confirment les tendances déjà observées quant aux inégalités genrées des compétences scolaires : les garçons réussissent mieux en mathématiques quand les filles obtiennent de meilleurs résultats en lecture. À noter que la Suisse possède une différence entre genres pour les mathématiques plus forte que la moyenne des pays de l’OCDE (11 contre 9 points) et que cette différence s’est accrue en trois ans, gagnant 4 points. 

C’est surtout au niveau du poids des inégalités sociales que la Suisse se révèle être championne. Elle se vante d’être huitième au classement PISA. Elle fait encore mieux dans celui des pays les plus inégalitaires, atteignant le top 6. En Suisse, les élèves les plus favorisé·e·s obtiennent un score supérieur de 117 points à celui des plus défavorisé·e·s (cet écart s’étant élargi de 17 points depuis 2018). Parmi les 81 pays étudiés, seuls la Hongrie, Israël, la République Tchèque, la Roumanie et Taiwan font pire. Ces données viennent donc confirmer le caractère fortement élitiste du système scolaire helvétique. 

Enfin, PISA fournit également des résultats spécifiques pour les immigré·e·s au sein de chaque pays. Ici la Suisse ne détonne pas. Comme dans la quasi-totalité des pays, l’écart entre population non-immigrée et population issue de l’immigration est très important. Les résultats des immigré·e·s de seconde génération obtiennent des résultats inférieurs de 51 points (477 contre 528) à ceux des élèves non immigré·e·s (cet écart monte à 56 pour les immigré·e·s de première génération).

Se borner à regarder des classements pourrait donc faire croire que la Suisse s’en sort bien ou du moins mieux que les autres pays grâce à sa politique de réouverture des écoles. Le détail des résultats vient rappeler l’ampleur des chantiers à mettre en œuvre pour non seulement inverser la chute des résultats, mais aussi offrir un enseignement solidaire capable de ne pas reproduire les inégalités de genre, de classe ou d’origine. 

Pierre Raboud