Dans les bacs

Dans les bacs

Douceurs hivernales

Actuellement en tournée européenne, l’auteure et interprète de Seattle, Laura Veirs, vient de sortir un quatrième album extraordinaire, au timbre clair et spontané. Carbon Glacier nous offre un voyage sensuel dans l’évocation des rigueurs climatiques de sa région d’origine: les Rocheuses du Colorado. «Icebound Stream», «Snow Camping», «The Cloud Room», «Wind is Blowing Stars» ou encore «Ether Sings» sont autant d’évocations de la quiétude et de l’harmonie que peut inspirer l’hiver.

Laura Veirs a indéniablement un immense talent de songwriter. Sa nature contemplative et douce lui donne un charme fou. Les atmosphères et la profondeur des arrangements font penser à l’album Time Out of Mind de Bob Dylan (1997), c’est dire…

Laura Veirs, Carbon Glacier, Bella Union/V2

Anti-pop

Katie Melua, jeune artiste de 19 ans originaire de la République de Géorgie, vient de sortir son premier disque, Call of the Search, dans un registre jazz-blues de grande facture. Elle reprend d’ailleurs deux titres de maîtres en la matière: «I Think It’s Going To Rain Today» de Randy Newman et «Crawling Up A Hill» de John Mayall. Katie Melua enregistre toutes ses chansons en live et s’étonne de rencontrer des réactions contrariées lorsqu’elle débarque à une interview radio, guitare à la main, proposant de chanter un morceau… Une jeune fille sortie de la vielle école… Elle en tire une grande finesse de jeu qui donne de l’ampleur à son réel talent. A l’entendre, on pense un peu à Lisa Ekdahl, mais en beaucoup moins léché, en plus authentique. A découvrir absolument!

Katie Melua, Call of the search, Dramatico

Douce ironie

Avec deux nouveaux CD, distincts mais vendus ensemble, le groupe de Nashville Lambchop, aborde une nouvelle étape de son étonnant voyage qui dure depuis près de dix ans. Avec Nixon (2000) et Is A Woman (2002), la formation était déjà sortie de la confidentialité et avait commencé à se faire un nom sur la scène rock-folk US. Leurs passages en Europe ont également contribué à ce que «petit groupe champêtre de Nashville» prenne sa réelle dimension. Avec Aw Cmon et No You Cmon, Lambchop s’éloigne quelque peu de ce qu’ils ont fait de par le passé. D’une tonalité agréablement douce ces deux albums sont simplement séduisants. Les textes restent dans la ligne de ce que Kurt Wagner avait précédemment écrit. Toujours cette ironie, cet humour noir et cette sympathique excentricité.

A celles et ceux qui se demandent toujours comment il se fait que cette formation de Nashville ait réussi à devenir si appréciée, l’écoute de Aw Cmon et de No You Cmon, leur ouvrira simplement et sans détour les yeux.

Lambchop, Aw Cmon – No You Cmon, EMI/Labels

Halloween 1964

«C’est Halloween et j’ai mon masque de Bob Dylan…» Voilà comment Robert Zimmermann, fidèle à lui-même, se présente à son public, sur la scène du New York Philarmonic Hall, le 31 octobre 1964. Columbia vient de sortir, dans la série «Bootleg», l’enregistrement de ce concert, un des derniers où Dylan se présente seul avec sa guitare acoustique.

Neuf mois après, l’icône de la communauté folk sort son premier album électrique: Like A Rolling Stone. Suivra la même année Bringing It All Back Home. Ces deux disques sont ceux avec lesquels le scandale est venu. Pour les puristes de l’époque, Dylan, en passant au rock, trahit la tradition folk et largue par la même occasion la protest song pour se perdre dans ses visions poétiques surréalistes…

Live 1964 – Concert at the Philarmonic Hall, sorti des archives de Columbia constitue donc un témoignage passionnant sur une période charnière de sa carrière. Un trait d’union entre le Dylan encensé en 1963 au Newport Folk Festival et celui conspué au même festival deux ans plus tard.

On trouve sur ce sixième volume de la série Bootleg nombreux des titres emblématiques de la période contestataire de Dylan, comme «The Times They Are A-Changin’», «Talkin’ John Birch Paranoid Blues» ou encore «Who Killed Davey Moore?», mais également d’étonnantes – et rares – versions acoustiques de chansons qui sortiront sur Like A Rolling Stone, comme l’extraordinaire «It’s Alright, Ma (I’m Only Bleeding)»

A noter enfin la présence sur scène de Joan Baez pour quatre duos. Un disque à ne pas manquer, un témoignage sur un artiste à quelques mois de voir son talent exploser.

Bob Dylan, Live 1964 – Concert at the Philarmonic Hall, Bootleg Series Volume 6, Columbia/Legacy

Brumeuses mélancolies

Mark Kozelek est une des figure emblématique du sadcore. On l’a connu par les Red House Painters, groupe phare du rock Lo-Fi aux Etats-Unis, bien que confiné dans un anonymat sévère de ce côté-ci de l’Atlantique. Songwriter respecté du rock indépendant, originaire de Massillon en Ohio, il revient aujourd’hui avec une nouvelle formation, Sun Kil Moon, et nous livre un album, Ghosts of the Great Highway, particulièrement émouvant. Kozelek fait penser à Neil Young, lorsque le vieux crooner ne s’énerve pas trop, et au Bruce Springsteen de Nebraska (1990) et de The Ghost of Tom Joad (1995). Fidèle à un folk écorché et dépressif, Kozelek pose délicatement sa voix bouleversante sur des guitares sobres et apaisantes. Une musique qui fait voyager.

Sun Kil Moon, Ghosts of the Great Highway, Jetset Records.

Erik GROBET