Italie

«Nous nous élevons pour converger et nous convergeons pour nous élever!»

Florence. Après près de 1000 jours d’assemblée permanente, le personnel de l’usine de composants automobiles GKN poursuit ses efforts d’auto-organisation pour prendre leur sort en mains. Plus de 500 personnes en grève indéterminée occupent l’usine et organisent une transition écologique et sociale.

Rassemblement des grévistes de l'usine GKN
Nouvel-an fêté à l’usine GKN, 31 décembre 2023
Le J et la Colombe

GKN, usine de production de pièces automobiles ayant appartenu à FIAT, puis au fonds d’investissement britannique Melrose, est sous le contrôle de ses travailleurs et travailleuses depuis juillet 2021. 

L’appropriation et la transformation des moyens de production par le personnel de GKN peuvent être séparées en deux phases. C’est dans un contexte de désindustrialisation incontrôlée que la première débute (2008-2018). Partant d’une combativité ouvrière relativement faible mais face à une radicalisation des rapports de force imposée par le patronat, la base s’organise progressivement sous la forme d’un syndicat démocratique et participatif pour tenir tête à la multinationale. La stratégie est de favoriser l’implication des individus dans les processus décisionnels. En 2018, GKN est racheté par Melrose. 

C’est le début de la seconde phase de lutte (2018-2021), caractérisée par la tentative de contrôle ouvrier de la production. Alors que les syndicats remportent des victoires lors de grèves ponctuelles pour l’amélioration des conditions de travail et de rémunération, les accords signés ne sont pas respectés par le patronat. Les personnes salariées se forment alors afin de connaître, dans les détails, le processus de production pour pouvoir anticiper les licenciements prévus par l’entreprise, et élargissent de 7 à 22 membres le conseil ouvrier. 

Transformation de la production et convergence des luttes

Le 9 juillet 2021, quelques jours seulement après la fin de l’interdiction des licenciements en Italie suite à la pandémie de covid, la direction signifie par courrier électronique à plus de 500 salariées et salariés alors en congés payés, la fermeture immédiate du site de production et leur licenciement collectif. Il faut moins d’une heure pour que des dizaines d’âmes solidaires se retrouvent devant leur lieu de travail, forcent le blocage des carabiniers et occupent l’usine. 

Une assemblée permanente est formée et animée par le personnel de GKN, mais également par les centres autogérés de la région, l’église, des clubs et associations, les partis politiques de la gauche extraparlementaire, etc. Sous la devise «Insorgiamo» (Levons-nous !) référence à la devise historique de résistance florentine contre le fascisme), un groupe de soutien à la mobilisation se forme, les initiatives de réflexion et de lutte se multiplient, la solidarité et la convergence prennent place. 

Depuis, deux grèves générales territoriales, une grève catégorielle, plus d’une dizaine de manifestations dans plusieurs villes italiennes, cinq procédures juridiques gagnées et des événements de soutien ailleurs en Europe ont eu lieu.

Dans une perspective de transition écologique et sociale, les lignes de production sont relancées pour produire des vélos-cargo recyclés. L’absence de financement et d’approvisionnement, le contexte socio-économique actuel et les actualités des derniers mois, ont permis au personnel de l’usine de concrétiser les concepts de solidarité et de convergence: par exemple, en prêtant main forte aux quelques 36 000 victimes déplacées à cause des inondations au printemps 2023 dans la région.

Le personnel s’organise dès lors seul, dans un esprit horizontal. Ingénieureusexs, cheffexs d’équipe et ouvrièrexs de production réfléchissent ensemble aux enjeux de leurs combat et à l’organisation de leur avenir professionnel. Des comités émergent et s’organisent autour de différents thèmes comme la conciliation de la vie privée et professionnelle avec la mise en place d’une garderie, la convergence culturelle avec la réalisation de film, livre, pièce de théâtre ; la gestion administrative et du droit syndical, la réorganisation industrielle. Un exemple inspirant d’organisation collective et de réappropriation par le bas des processus structurels habituellement en place dans une société capitaliste industrielle et hiérarchisée.

Quelle suite pour la lutte ?

Plus de 7000 personnes se sont réunies le 31 décembre pour apporter leur soutien au mouvement #Insorgiamo dans une perspective solidaire et convergente. Vieux ouvriers à la retraite, militantes féministes, jeunes ouvriers des usines Mont-Blanc, collectif de jeunesse internationale pour le climat, collectif NoTAV d’opposition au projet d’infrastructures de transport transfrontaliers étaient là, solidaires! En 2024, divers évènements (spectacles, soirées de soutien, etc.) sont déjà prévus. 

La convergence internationale est fondamentale pour le succès et la pérennité de la lutte. La mobilisation continue, inspirons-nous des camarades de GKN ! 

Le J et Colombe

Site du mouvement : insorgiamo.org