Réprimer pour ne rien changer

La décision du gouvernement Macron de dissoudre les Soulèvements de la Terre est emblématique de la répression des luttes écologistes, en France et ailleurs.

Un panneau "Vous ne pouvez pas dissoudre la colère" lors de la manifestation d'écologistes contre le Lyon-Turin du 18 juin 2023
5000 personnes ont manifesté contre l’absurdité écologique du Lyon-Turin samedi 18 juin en Savoie.

Les Soulèvements de la Terre (SdT), créés dans le feu de la lutte victorieuse de Notre-Dame-des-Landes, est la confluence de plusieurs luttes: la génération climat (avec ses marches et mobilisations), une partie du monde paysan (coopératives agricoles, associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, fermes agroécologiques, syndicats opposés à la politique productiviste du gouvernement comme la Confédération paysanne), les groupes écologistes locaux et le mouvement anticapitaliste pluriel. Cette convergence inédite a été la clé de son succès dans les mobilisations contre les mégabassines de Sainte-Soline.

Les SdT agissaient à la fois par les actions de masse, les recours juridiques et le travail de terrain des syndicats au sein des instances agricoles. Quand ces formes ne suffisaient pas, iels se lançaient dans des actions directes collectives. Ont ainsi été menées l’occupation de terres pour les préserver, le blocage d’industries ou de chantiers et des formes d’intervention dites de «désarmement», c’est-à-dire  des actions de sabotage sur des projets industriels qui visent l’autodéfense contre les «armes» industrielles.  

L’affrontement entre l’État policier et les Soulèvements de la Terre est le symbole d’une lutte pour les intérêts privés des multinationales et des riches d’une part et, d’autre part, la défense des intérêts collectifs et des biens communs. On ne peut pas dissoudre un mouvement, son élan vital, sa créativité, ses modes d’action et d’auto-organisation, ses rêves ni ses projets.

Inaction et répression des États face à la crise écologique

Cette stratégie de persécution et de répression est l’expression d’un changement politique majeur de la part des classes dirigeantes.

Après avoir nié ou minimisé le changement climatique, les élites privilégient «l’adaptation» plutôt que les mesures radicales et imposent ainsi leurs projets et programmes comme les seuls possibles, quitte à accepter une augmentation des températures pouvant aller jusqu’à 4°C d’ici à 2100. 

Les conséquences humaines, sociales et environnementales seront catastrophiques et mortelles, en particulier pour les populations du Sud global, qui ont le moins contribué à cette augmentation de CO₂. Dans ces régions, nous pourrions avoir plus de 143 millions de personnes déplacées d’ici à 2050, indique la Banque mondiale. Les capitalistes sont incapables de résoudre la crise du climat et de la biodiversité car cela impliquerait de remettre en cause les fondements mêmes de l’extractivisme et du productivisme capitaliste.

Les classes dominantes des pays riches ont pris la décision d’attaquer, réprimer et criminaliser toute forme de contestation. Nous l’avons vu dans la riposte brutale lors des manifestations syndicales contre le projet de réforme des retraites en France, les mobilisations écologistes ou les révoltes à la suite de la mort de Nahel : les gardes à vue, poursuites judiciaires, condamnations sévères, arrestations et fichage des militant·e·s. Le gouvernement veut frapper fort, pour diviser, écraser, tétaniser et affaiblir les mouvements.

Des résistances se lèvent face aux crimes climatiques

En Suisse, toute proportion gardée, nous assistons à une recrudescence de la répression policière et judiciaire menée par l’UDC et le PLR. Le cycle des mobilisations, commencé en 2019, est en grande partie terminé. Nous sommes dans une nouvelle phase avec moins de mobilisations de masse et plus d’actions ciblées, directement ancrées dans les territoires. Les structures unitaires comme la Grève pour le Climat ou la Grève pour l’Avenir manquent de souffle et de perspectives. Nous devons rallumer la mèche des résistances et surtout des alternatives.

Il n’y a pas une seule forme de lutte ni une seule stratégie. Celles-ci peuvent se combiner : désobéissance civile, actions spectaculaires et médiatiques, désarmement, sabotages pour bloquer des machines qui détruisent l’environnement, manifestations, etc. Au-delà des actions ciblées, il est aussi nécessaire d’élaborer ensemble une stratégie commune pour renverser le capitalisme écocide. Celle-ci doit être consciente qu’un affrontement avec l’État est inévitable. 

Il s’agit d’apprendre à lutter dans un contexte hostile, à tisser des solidarités, apprendre à militer dans les interstices des mesures de sécurité, à former les militant·e·s à la répression et à l’éventuel emprisonnement. Nous devons partager nos expériences, nous entraider, nous auto-organiser. 

Nous devons proposer aussi des alternatives et mettre en exergue des exigences populaires, qui soient à la fois désirables, nécessaires et atteignables. Ce programme d’urgence doit aussi intégrer les apports de l’écoféminisme, de l’écologie décoloniale, antiraciste et internationaliste.

Juan Tortosa