Portrait du malade en habit d’irresponsable

Les votations du 9 juin mettront à l’épreuve deux initiatives importantes en matière de politique de soins. Deux initiatives aux caractéristiques opposées, mais qui partent d’un même constat: les dépenses en matière de santé augmentent et nos primes avec. Un constat commun qui ne saurait cacher l’étendue du clivage politique qui les sépare.

Pancarte Non à une médecine à deux vitesses lors d'une manifestation contre la hausse des primes d'assurance maladie
L’initiative pour un frein au coûts de la santé engendrerait une santé à deux vitesses. Manifestation contre la hausse des primes, Genève, 2018

La première initiative propose de limiter le poids des primes à 10% maximum du revenu individuel. De ce fait, elle généralise la méthode des subsides à l’assurance déjà présente dans une série de cantons. La seconde souhaite adopter des mécanismes de «freins aux coûts de la santé» qui ne sont pas directement corrélés aux évolutions démographiques et aux salaires. Nous soutenons la première et combattons la seconde. 

Il est impératif que nous sortions du corset narratif dans lequel nous enferme le capital, celui de la santé et de ses «coûts». La logique comptable que renferme la seconde initiative est à peine implicite: freiner les coûts, surveiller les structures de production, responsabiliser les patient·es. Le narratif historique du néolibéralisme s’est toujours entretenu de pareilles propositions politiques. Pourtant, le grand absent du débat est le coût du capital, celui des brevets, des profits de la pharma, et des gestionnaires du privé. Une perspective partagée par le Conseil fédéral dans les pages de son Rapport sur l’initiative d’allègement des primes: «Cela supprimerait (…) l’incitation pour les assurés à choisir une franchise élevée, car ils n’auraient plus besoin d’adopter un comportement responsable en matière de coûts en augmentant leur franchise. » Autrement dit, serrez-les dents ça ira mieux demain! 

À ce titre, l’initiative sur les primes met en lumière un problème endémique en Suisse: le renoncement aux soins. Elle révèle que près de 20% des assuré·es renoncent, totalement ou partiellement, à se soigner à cause de leur franchise qu’il n’ont pas le luxe de choisir basse. Cette restriction des soins, légitimée par les mécanismes assurantiels, n’est que la pointe de l’iceberg. Que dire alors de l’effroyable absence de couverture en matière de santé sexuelle et reproductive, de soins dentaires ou de soins de la vue? 

Il est temps de renverser la logique: il n’y a de limites à la production que la détermination des besoins eux-mêmes.

Ce renversement nécessite d’ouvrir la fenêtre sur le champ de bataille d’une santé planifiée, débarrassée des logiques du capital. En déplaçant partiellement le front du financement socialisé des primes vers celui de l’impôt, l’acceptation de l’initiative sur les primes porterait un premier coup. Outre son effet redistributif, la population est amenée à sortir de son tête-à-tête avec les caisses d’assurance. Pourtant, il ne s’agit que d’une première étape. 

Nous sommes favorables à un service public de la santé global : depuis la recherche et la formation, jusqu’à la production de médicaments et de soins hospitaliers. C’est par un contrôle public et des moyens socialisés qu’une véritable démocratie dans les soins peut être assurée. La santé ne doit plus être une marchandise, ni une source de profits privés.

Jimmy Schüler militant EàG Vaud