Comment allier paillettes et lutte contre les oppressions?

Une nouvelle marrée violette a traversé le pays ce 14 juin 2024. Une occasion pour les collectifs de la Grève de rappeler que si la mobilisation est bien joyeuse et festive, elle est avant tout politique. À Lausanne, la fête a été attaquée par des néonazis.

Des membres de solidaritéS Genève à la manifestation du 14 juin
Le tronçon de solidaritéS Genève à la manifestation du 14 juin

5 ans après le tsunami violet de 2019, et une année après une nouvelle grève massive en 2023, certain·es s’interrogeaient sur la capacité de la Grève féministe à mobiliser ce 14 juin. Si depuis 2019, des victoires ont été engrangées, l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes (AVS21, votée en septembre 2022) a toutefois représenté un important camouflet de la droite à l’encontre des luttes féministes. 

À l’aube de la votation sur la réforme du deuxième pilier (LPP21, agendée au 22 septembre) qui pénaliserait à nouveau injustement les femmes en augmentant leurs cotisations tout en diminuant leurs rentes, ce 14 juin avait pour mission de rappeler la force du mouvement féministe. 

Le 14 juin, une journée de lutte féministe et internationaliste 

C’est avec brio que la Grève féministe a réussi son pari. Près de 35000 personnes à Berne, 30000 à Genève ou encore 20000 à Lausanne sont descendues dans la rue pour crier leur colère contre un système patriarcal oppressif et meurtrier ; mais aussi pour danser et fêter. Par son ampleur, la mobilisation a été un succès, dépassant même nos espérances. 

Au lendemain d’un nouveau 14 juin paré de violet, une question persiste néanmoins: comment politiser ces mobilisations ; quand des congés sont donnés par plusieurs employeur·sexs, comme l’Université de Lausanne, alors que nous n’appelons pas à faire grève. Comment faire pour que le 14 juin ne devienne pas une fête ou un jour férié et puisse rester une date de lutte contre les oppressions patriarcales? 

Le collectif genevois de la Grève féministe y a répondu en fédérant toutes les générations dans un moment fort politiquement ; offrant aussi un espace pour simplement célébrer la joie d’être ensemble ; ouvrant sa scène à des collectifs et mouvements de différents horizons pour des prises de paroles avant et après la manifestation ; consacrant la journée à la solidarité avec Gaza. 

Le collectif genevois, en fusionnant les couleurs du drapeau palestinien au violet, a démontré que la convergence des luttes est une réalité et que le féminisme ne peut être que décolonial, antiraciste, anti-­impérialiste, et anticapitaliste. 

À Lausanne, à la suite de la manifestation, le collectif vaudois a organisé des assemblées féministes portant sur l’internationalisme, le travail, les violences et les parentalités. Si elles ont permis des échanges de qualité entre les participant·exs, ces assemblées n’ont cette année pas permis la convergence d’une majorité de manifestant·exs dans un moment d’échange collectif essentiel à la construction des résistances féministes. 

Sous les paillettes, la politisation
de nos existences 

Par ailleurs, différentes initiatives entreprises les semaines précédant le 14 juin indiquent qu’il est encore et toujours nécessaire de réaffirmer – et d’imposer – le caractère éminemment politique de cet événement. En opposition avec l’une des lignes directrices du Manifeste des collectifs de la Grève qui revendique la diminution du temps de travail, une représentante des Vert·es lausannois·es a ainsi demandé au Conseil communal de repousser la fermeture des bars le 14 juin, sans envisager l’impact d’une telle mesure pour les employéexs des bars. Cette proposition démontre l’amalgame qui demeure encore entre mobilisation politique et moment festif. Un amalgame contre lequel les collectifs de la Grève s’emploient à lutter en réaffirmant la dimension anticapitaliste de leur féminisme. 

Parce que le féminisme n’est pas un dîner de gala, la lutte contre le système patriarcal est complexe et exige une vraie formation politique au fonctionnement de ses mécanismes et des intersections qui le relient à d’autres formes d’exploitation systémique. Une nécessité de formation collective par le bas à laquelle le collectif vaudois de la Grève entend bien répondre  en dédiant l’année à venir à la thématique du care, soit à toutes les activités qui visent à apporter une réponse concrète aux besoins des autres. 

L’objectif de cette campagne est de sortir le collectif de sa routine consistant à passer de l’organisation du 14 juin à celle du 25 novembre, puis celle du 8 mars. Cette campagne sur le care devrait également permettre de mobiliser de nouveaux modes d’actions et d’envisager des modalités alternatives d’interventions dans l’espace public pour continuer à visibiliser et politiser les questions féministes dans les rues de Suisse. 

Dans un contexte où les tentatives de dépolitisation des luttes féministes se multiplient, les mobilisations doivent être festives mais elles doivent aussi être le lieu de l’expression d’une politisation de nos existences contre le patriarcat et tous les autres systèmes d’oppression. 

Clara Brambilla   Donna Golaz

Attaque fasciste contre la Grève féministe

La manifestation de la Grève féministe à Lausanne s’est poursuivie avec une série d’assemblées féministes et un DJ set. À la fin de l’événement, peu avant minuit, un groupe de 5 à 6 individus, potentiellement skinheads, est venu sur les lieux. Alors que plusieurs centaines de personnes étaient toujours rassemblées, ils ont provoqué des membres et sympatisant·exs de la Grève féministe, tout en faisant des saluts nazis. Au moins deux personnes ont ensuite été frappées et amenées aux urgences du CHUV. Nous leur apportons tout notre soutien. 

Cette agression fasciste et machiste ciblant un mouvement luttant contre les oppressions patriarcales est une attaque grave contre la démocratie, la liberté d’expression, nos luttes et l’usage de l’espace public par les personnes opprimées. Elle alerte de la montée dangereuse de l’extrême-droite en Europe et de la violence portée par ces mouvements. 

Avec la montée des partis de la droite dure et de leurs discours de haine contre les mouvements sociaux féministes, propalestiniens, queer, contre les personnes issues de l’immigration, de tels groupes fascistes violents sont de plus en plus décomplexés.

Ensemble à gauche condamne fermement cette attaque et appelle à une riposte large et unitaire de toutes les associations, syndicats et partis pour défendre les droits et les libertés démocratiques contre toutes les formes de violences sexistes et racistes. 

Fascistes hors de nos villes et de nos rues !

No pasarán!

Communiqué d’Ensemble à Gauche Vaud