Alerte démocratique à l’Université de Genève

Face à la mobilisation étudiante en solidarité avec le peuple palestinien en mai dernier, le rectorat de l’Université de Genève a choisi la répression plutôt que de prendre des positions fortes contre le génocide perpétré à Gaza. Depuis la rentrée universitaire en septembre, la répression est encore montée d’un cran.

Des étudiants occupent le hall d'Uni Mail à Genève en solidarité avec le peuple palestinien
Hall d’Uni Mail occupé, 16 mai 2024

 Quelques semaines seulement après la prise de fonction d’Audrey Leuba au rectorat de l’Université de Genève, le mouvement étudiant de solidarité avec le peuple palestinien commençait son occupation, ouverte à tou·texs et pacifique, du hall d’Uni Mail. Loin d’accueillir favorablement cette mobilisation et l’élan démocratique qui l’accompagne, la nouvelle rectrice a plutôt choisi la voie répressive : une semaine après le début de l’occupation, le 14 mai, les forces de l’ordre sont entrées dans l’université pour évacuer et placer en garde à vue les étudiant·exs – une première à l’Université de Genève.

Au retour de la pause estivale, alors que la mobilisation étudiante n’avait pas encore repris, le rectorat de l’UNIGE a choisi de prolonger sa politique répressive et anti-démocratique. Chaque année, la CUAE, le syndicat étudiant de l’université, réalise et distribue un agenda aux étudiant·exs afin de les informer sur leurs droits, vis-à-vis de l’administration de l’université et des autorités cantonales. Ses pages mettent également à l’honneur la lutte étudiante menée l’année passée, soit l’occupation d’Uni Mail en solidarité avec la Palestine pour cette nouvelle édition de l’agenda. Sur une base fallacieuse, la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD) s’est fendue d’un communiqué accusant le syndicat de faire l’apologie du terrorisme.

En moins de trois heures, le rectorat de l’UNIGE s’est aligné sur cette position en censurant l’agenda de la CUAE, qui fut interdit de distribution au sein et aux abords des locaux universitaires. Dans les jours qui ont suivi, le syndicat a été menacé d’être privé de ses subventions, ce qui équivaudrait à une dissolution de la seule organisation qui défend les droits des étudiant·exs au sein de l’Université de Genève.

Les événements de ces derniers mois laissent apparaître une situation démocratique inquiétante à l’Université de Genève, à l’interne comme à l’externe. 

D’une part, le rectorat semble en effet vouloir s’affranchir progressivement des instances démocratiques universitaires, en affaiblissant les acteurs politiques internes détenteurs d’un contre-pouvoir. 

D’autre part, l’autonomie politique de l’UNIGE est mise en péril par l’alignement du rectorat sur les positions d’une organisation réactionnaire externe faisant pression sur lui. La démocratie interne et l’autonomie vis-à-vis du monde politique sont des conditions essentielles du bon fonctionnement du monde académique qu’il faut absolument défendre. Elles garantissent aussi bien sa fonction scientifique – en permettant aux chercheur·eusexs de porter un regard critique sur le monde social –  que sa fonction pédagogique – par la transmission de savoirs critiques aux étudiant·exs.

Antoine Dubiau