Supprimons les frontières et unissons-nous dans la lutte
Près de 3000 personnes se sont mobilisées à Berne pour réclamer des droits pour les personnes dans l’asile en Suisse et contrer l’ombre menaçante des récents projets racistes votés au parlement.

À l’appel de Solidarité sans frontières et de plus de 100 organisations à travers toute la Suisse, une manifestation nationale s’est déroulée à Berne le 28 septembre dernier. Sous la pluie, près de 3000 personnes ont défilé depuis la Schützenmatte jusqu’à la Place fédérale, où des stands et des discours étaient prévus.
Slogans, pancartes et prises de parole ont permis de rappeler que la Suisse doit prendre ses responsabilités face aux injustices et aux inégalités à l’échelle mondiale, que l’égalité des droits pour toutes et tous ne se négocie pas et que l’exclusion, l’exploitation et les renvois doivent cesser immédiatement.
Un cortège résolument solidaire
Depuis Genève, Lausanne, Neuchâtel et la Chaux-de-Fonds, des bus ou des convois en train ont été organisés, afin de permettre la présence des exilé·es, premier·ères concerné·es. Durant la manifestation, les violences subies par les personnes migrantes en Suisse ont été dénoncées : des intolérables renvois à la violence policière en passant par la précarité induite par des statuts dits « provisoires » (qui durent en réalité des années) menant souvent à des conditions de vie insalubres. Sans oublier la déshumanisation que représente la procédure d’asile avec ses profondes atteintes à la santé mentale suite aux menaces subies, à la traque de l’abus, à l’attente interminable d’une décision de la part des autorités.
Durant la manifestation, un tronçon en soutien avec la Palestine et dénonçant le génocide à Gaza a permis de faire le lien avec l’actualité internationale. Car les mécanismes postcoloniaux et impérialistes qui sont en œuvre derrière la fermeture de l’Europe-forteresse et le refus d’accueillir les personnes migrantes sont aussi à l’origine du consentement offert par les pays occidentaux à Israël depuis des décennies (et de façon tellement évidente depuis une année) pour exterminer le peuple palestinien. Et parce qu’il n’est pas plus supportable de voir des habitant·es de seconde zone en Suisse, affublé·es d’un permis au rabais ou sans droit d’exister, que de savoir l’apartheid en cours en Palestine depuis plus de 70 ans.
La parole aux concerné·es : stop à l’exploitation et aux violences
À l’issue de la manifestation, des témoignages ont été livrés, dont celui d’une femme érythréenne qui a souligné la difficulté à (sur)vivre en Suisse : «L’incertitude permanente provoque un énorme stress psychologique. Beaucoup d’entre nous ont peur de l’avenir, se sentent piégé·es dans une cage et perdent tout espoir. Nous ne sommes pas seulement des réfugié·es : nous sommes des personnes avec des rêves et le désir de faire partie de cette société.»
Le collectif Pangea, composé de personnes migrantes auto-organisées, a pris la parole pour révéler l’hypocrisie des politiques suisses : « Nous, qui travaillons de longues heures pour de bas salaires, sommes peut-être l’un des éléments les plus importants de l’économie suisse, mais nous ne pouvons participer à aucun mécanisme de décision. […] Sous prétexte d’intégration, nous sommes contraint·es de nettoyer les toilettes ou de faire des stages obligatoires ; notre labeur est exploité, et nous sommes réduit·es à l’esclavage. Les cours de langue sont insuffisants, notre statut social est constamment dévalorisé, notre travail exploité, et nous sommes exclu·es de la vie sociale. »
Des vies qui comptent plus que d’autres
Malheureusement, on ne peut donner tort à ces discours ni leur offrir de perspective d’avenir positive, en tout cas à moyen terme. Au contraire, depuis quelques semaines les motions et autres projets racistes et xénophobes déposés par l’UDC (et soutenu par toute la droite) au parlement national fleurissent : restriction drastique du droit au regroupement familial pour les personnes admises provisoirement, durcissement de la répression contre les personnes sans-papiers, refus de protéger les droits des enfants mineurs migrants, etc.
Et si ce n’était que la droite… Mais on n’oublie pas que c’est une Conseillère fédérale socialiste qui a organisé la réforme de l’asile menant à l’enfermement des requérant·es dans des Centre fédéraux à la seule fin de les renvoyer plus rapidement. Et aujourd’hui un Conseiller fédéral toujours socialiste qui se vente d’une « procédure en 24 heures » spécialement adressée aux personnes venant d’Afrique du nord pour organiser leur expulsion en un temps record.
Face à un tel tableau, une journée – quand bien même fut-elle pluvieuse – de mobilisation nationale était plus que bienvenue, pour se retrouver et partager notre détermination, pour se renforcer et ne rien lâcher, même si la route sera longue !
Aude Martenot