Une internationale pour changer le monde

Fin février 2025 aura lieu en Belgique le 18e congrès de la Quatrième Internationale. Comme observateur permanent, solidaritéS y prendra part avec deux camarades. Retour sur l’histoire et la fonction actuelle de cette organisation, ainsi que sur les thèmes qui seront abordés lors du congrès.

Le Bloc de Gauche lors de la Marche des fiertés, Lisbonne, 24 juillet 2024
Une section portugaise de la Quatrième internationale appartient au Bloc de Gauche. Marche des fiertés, Lisbonne, 24 juillet 2024

La Quatrième Internationale (QI) a été fondée en 1938 pour défendre un marxisme révolutionnaire en opposition au despotisme bureaucratique stalinien qui avait trahi l’élan révolutionnaire nourri par la révolution d’octobre 1917. Fidèle à ses origines, la «Quatre» est aujourd’hui présente dans plus de quarante pays. Elle regroupe une cinquantaine d’organisations aux réalités très diverses – la plupart d’entre elles comptent quelques centaines de membres, quelques-unes dépassant le millier voire plusieurs milliers – auxquelles s’ajoutent des adhésions individuelles.

Dans les années 1970, la plupart des sections étaient des organisations politiques indépendantes. Aujourd’hui, seule une partie des sections (membres, sympathisantes ou observatrices permanentes) le sont encore. Dans d’autres pays, les sections de la QI appartiennent à des organisations plus larges jouant un rôle politique important dans leur pays: dans l’Alliance Rouge et Verte au Danemark, dans le Bloc de Gauche au Portugal, dans le PSOL au Brésil, ou encore dans Podemos dans l’État Espagnol – avant qu’Anticapitalistas ne quitte la coalition en 2020. 

Antistalinisme

Depuis la période ouverte par la chute des régimes staliniens et l’offensive de la mondialisation libérale, la QI a redéfini son rôle. Celui-ci consiste à favoriser la construction à l’échelle internationale d’organisations révolutionnaires dans chaque pays, sous la forme de sections autonomes ou de rassemblements plus larges. En comparaison d’autres internationales qui revendiquent le même rôle organisationnel, sa pertinence réside dans son ancrage dans les analyses et combats marxistes anti­staliniens du 20e siècle tout en cultivant son ouverture aux mouvements sociaux des dernières décennies – luttes féministes, écologistes, LGBTQIA+, anticoloniales et anti-impérialistes, paysannes, des peuples autochtones, etc. 

De nombreux·ses militant·es de la QI ont joué un rôle de premier plan dans le mouvement altermondialiste de la décennie 1995–2005, dans les nouvelles vagues des mouvements féministes et antiracistes, dans les réseaux de la Via Campesina et dans nombre d’autres luttes populaires – notamment aux Philippines, au Brésil, en Argentine et dans les pays du Maghreb. Ainsi, iels sont plongé·es dans ce qu’il y a de plus vivant politiquement dans leurs pays respectifs, menant une véritable activité politique dans la réalité de la lutte des classes.

Vers un marxisme inclusif

Depuis le tournant historique que constitua l’effondrement des régimes staliniens en Europe de l’Est et en URSS, la QI a donc opéré une transition vers un marxisme plus inclusif en dépassant la seule référence au trotskisme. Dans ce processus de rénovation politique, la figure intellectuelle de Daniel Bensaïd a joué un rôle majeur. Cette transition doit aujourd’hui déboucher sur une relève générationnelle: la direction de la QI fut particulièrement marquée par l’expérience de 68, en particulier française. Rajeunir et diversifier la direction, sans que le poids organisationnel soit majoritairement français, est un des tâches du prochain congrès.    

La Quatrième Internationale est effectivement un outil vivant, qui fixe des orientations politiques dans un cadre démocratique, tout en respectant les choix des sections nationales. La conservation d’une telle structure apparaît comme un outil précieux pour la construction internationale de théories et pratiques révolutionnaires ajustées à leur époque. Sous la bannière de l’écosocialisme, la QI élabore en effet un projet politique ambitionnant de lutter contre le capitalisme, le patriarcat, le racisme et la xénophobie, dont l’imbrication a engendré le ravage écologique global.

En plus des luttes déjà citées pour lesquelles il devra fixer un nouveau cap, le 18e congrès de la QI s’inscrit dans une période mouvementée au niveau international, marquée par le génocide du peuple palestinien, l’agression de l’Ukraine par la Russie, la chute du régime assassin d’Assad en Syrie, mais aussi la montée des extrêmes-droites partout dans le monde – réélection de Trump aux Etats-Unis, arrivée au pouvoir de Milei en Argentine, progressions du RN en France et de l’AfD en Allemagne.

Manifeste écosocialiste

Les participant·es au congrès devront notamment se positionner sur un ambitieux projet de manifeste écosocialiste. Celui-ci repose sur une analyse de la situation écosociale, pour fonder un programme de transition vers le monde libéré des dominations sociales, afin de garantir une vie digne à toutes et tous malgré une planète dégradée. Comme le disait Michael Löwy: «nous sommes très petits et faibles, mais avoir, au niveau international, une structure qui essaye de coordonner environ 50 organisations anticapitalistes, par les temps que nous vivons, c’est déjà un exploit.» Il ne tient qu’à nous de faire de la Quatrième Internationale l’outil internationaliste de lutte dont nous avons besoin!

Juan Tortosa    Antoine Dubiau