Le Parti communiste révolutionnaire (PCR), késako ?
Au printemps 2024, une campagne d’autocollants invitait les communistes à rejoindre les rangs du PCR. S’ensuivait un premier congrès national à Berthoud, puis une participation à la fondation de l’Internationale communiste révolutionnaire en Italie. Nous reviendrons dans un prochain numéro sur leurs récentes interventions. Mais avant cela, qu’est-ce donc que cette organisation au nom ronflant et au discours triomphaliste?

Le PCR n’est pas sorti tout armé de la cuisse de Jupiter. Le courant politique dont il est issu s’est d’abord regroupé autour du journal L’Étincelle (Der Funke) en Suisse ; ses membres faisaient alors de l’entrisme dans les Jeunesses socialistes et les jeunesses syndicales, en particulier celles d’Unia. L’origine de ce courant, regroupé internationalement dans la Tendance marxiste internationale (TMI), qui pratiqua longtemps un entrisme stratégique de longue durée, remonte à l’histoire complexe et cahoteuse du trotskisme britannique.
Résumons à grands traits: en 1964, des trotskistes anglais font l’analyse que la stabilité économique allait renforcer la social-démocratie et que l’effondrement des partis staliniens n’était plus à l’ordre du jour. Ils en tirent la conclusion de pratiquer un entrisme de longue durée dans le Labour Party travailliste. Ils publient un journal intitulé The Militant et leur tendance portera le même nom.
Ce travail entriste portera ses fruits, le groupe, dirigé alors par Ted Grant, rejoint plus tard par Alan Woods (qui dirige aujourd’hui encore la TMI) rassemble plusieurs milliers de membres et conquiert, avec une équipe de la gauche travailliste, la mairie de Liverpool. Cela les place dans la ligne de mire de Margaret Thatcher. Le bras de fer entre le conseil communal et le gouvernement durera cinq ans et se terminera par la défaite de la gauche travailliste. Autre fait de gloire du Militant : le lancement de la campagne contre un nouvel impôt locatif (Poll Tax). Son succès – et la répression interne très forte menée par la droite du Labour, menée à coups d’exclusions – provoque une crise majeure dans l’organisation où de nombreux nouveaux membres ne se reconnaissent plus dans la direction. Une scission laisse ses deux dirigeants historiques isolés dans leur défense de l’entrisme stratégique, suivis seulement par leur organisation internationale.
Le temps de la gloire militante est passé. La TMI connaîtra d’autres scissions et modulera son entrisme en fonction des situations régionales et locales. Puis viendra le moment de l’apparition publique, flamberge au vent, et la création de PCR dans plusieurs pays, devant déboucher sur la création d’une «nouvelle» internationale. Que s’est-il donc passé pour que s’enclenche ce processus soudain, pour que la TMI prenne ainsi un tournant à 180° ?
L’émergence de « dizaines de milliers de communistes en Suisse »
Eh bien, il se trouve, pour le PCR, que les multiples crises que connaît le capitalisme et l’impasse de la politique bourgeoise, dont les solutions ne font qu’aggraver la situation, ont amené une bonne partie de la jeunesse ouvrière et – on suppose – estudiantine à laisser derrière elle le socialisme. Et donc à se prononcer clairement pour le communisme.
En octobre 2023, L’Étincelle (devenue depuis Le Communiste) publie un article à vocation théorique qui affirme : « En Suisse, il y a déjà des dizaines de milliers de jeunes communistes. Aujourd’hui, il y a au moins un communiste dans chaque entreprise, dans chaque classe, dans chaque quartier ou auditoire d’université. » Dès lors, la voie est toute tracée : « Arriver en Suisse à 1000, puis 2000 communistes organisés se profile déjà à l’horizon de manière tangible. Dotés de la méthode correcte et du programme révolutionnaire, cela nous permettra, dans la petite Suisse, de gagner l’avant-garde de la classe ouvrière au communisme. » Conclusion : « Nous, les bolcheviks, pouvons dire avec fierté et pleine confiance : nous avons un plan. Nous connaissons la voie vers la révolution communiste. Nous savons comment elle sera victorieuse. Nous savons quelles sont les étapes nécessaires pour y parvenir. »
Se voulant le clone parfait du parti de Lénine à l’orée de la Révolution russe – dans une version toutefois plus proche du péplum que de la réalité historique – le PCR singe à n’en plus finir la vulgate bolchévique. Ainsi, leur journal doit jouer le même rôle en Suisse que celui lancé par Lénine au début du 20e siècle en Russie et qui, tiens donc, s’appelait L’Étincelle (Iskra en russe). Et, contrairement aux autres journaux de « gauche », qui sont rédigés par des universitaires, Le Communiste donnera la parole aux «combattants honnêtes» et sera leur tribune. Sauf que ce journal est exclusivement rédigé par les permanent·es, qui décident du sommaire et stimulent des «contributions» de certains membres ou sympathisant·es. Nous verrons dans un prochain article ce que propose le PCR à ces combattant·es honnêtes et quel est son fonctionnement.
Daniel Süri