E-ID
Un contrôle public contre la mainmise privée
Le peuple suisse devra se prononcer à nouveau sur l’introduction d’une identité électronique. Le comité référendaire «Loi sur l’e-ID Non» a récolté plus de 60000 signatures contre cet objet. Quelles sont les différences entre ce nouveau projet et celui rejeté en 2021?

En complément d’un papier d’identité (carte ou passeport), la Confédération propose d’introduire une identité électronique (e-ID) sur un support de type informatique et numérique.
Un premier projet avait été balayé dans les urnes en 2021. La question de la protection des données personnelles et l’attribution de la gestion de l’e-ID à une société privée avaient fait pencher la balance, suite à un référendum lancé par des organisations actives dans le numérique, soutenues par la gauche et le Parti pirate.
Le Conseil fédéral est revenu à la charge. Gratuite et facultative, la nouvelle e-ID doit permettre de demander sur Internet par exemple un extrait du casier judiciaire, un permis de conduire ou prouver son âge lors de l’achat d’alcool. Elle sera en mains publiques.
La Confédération a déjà mené des projets-pilotes, notamment un essai de permis d’élève conducteur électronique dans le canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures. Si elle est acceptée, l’e-ID devrait entrer en vigueur au plus tôt en 2026.
Au vote lors de la séance du Conseil national du 20 décembre 2024, 25 parlementaires ont voté contre la loi e-ID. Tous étaient membres de l’UDC.
Qui a organisé le référendum?
Pas moins de trois groupements ont lancé un référendum contre la nouvelle loi. Outre une fraction du Parti pirate, les Amis de la Constitution et Aufrecht, le mouvement antivax Mass-Voll ont aussi récolté des signatures. Selon eux, la nouvelle loi porte atteinte à la vie privée des citoyennes et citoyens, car la technologie qui a été choisie ne serait pas suffisamment mûre et sûre. Celle-ci présenterait également des risques, comme le fait de créer un système de surveillance généralisé, selon Nils Fiechter, président des Jeunes UDC.
La confusion et les polémiques des référendaires au moment du dépôt des signatures ont montré un agglomérat politiquement incohérent et confus. Une grande partie de leurs arguments sont faux, par exemple l’affirmation selon laquelle «les référendums et les initiatives ne pourront être signés qu’avec une identité électronique, et non plus à la main. Cela signifie que sans smartphone, pas de participation à la démocratie». Les référendaires expriment des orientations libertariennes, populistes, démagogiques et ultralibérales.
Arguments en faveur
La gestion et le contrôle de la nouvelle e-ID sera entièrement publique, contrairement au projet rejeté par le peuple en 2021, qui était totalement géré par une société privée, créée par de grands groupes capitalistes suisses.
La demande et l’acquisition de l’e-ID sera gratuite, elle n’a pas un caractère obligatoire. Son usage serait pour l’instant facultatif. Comme tout certificat ou identité électronique, qui verrait son usage s’étendre à d’autres domaines, le caractère public assure une visibilité et un contrôle accru dans son usage, sa stabilité, sa confidentialité, sa sécurité et sa sobriété énergétique et matérielle.
Aujourd’hui déjà, nous utilisons une grande quantité d’identifiants pour accéder à des informations personnelles (assurance-maladie, comptes bancaires, dossier médical, dossiers fiscaux, etc.) Cette tendance semble irréversible. Une unification sous contrôle public est donc souhaitable. Selon nous, l’e-ID devrait néanmoins se limiter à des services de base non-marchands.
Contrôle public ou régulation?
D’autres applications à caractère commercial sont déjà très répandues aujourd’hui (cartes de crédit, de paiements, de consommateurs, de transport, de fidélité, cryptomonnaies, etc.) Ces certificats électroniques à usage commercial, devraient rester pour l’instant en dehors du champ de l’e-ID. Mais la vigilance est toujours de mise, car les promesses sur le caractère facultatif pourraient être modifiées. Cela provoquerait davantage de difficultés pour les personnes ne maîtrisant pas l’usage des technologies digitales.
La méfiance face à des nouveaux outils informatiques d’identité est compréhensible, surtout en pleine période de glorification de l’«intelligence» artificielle et autres dérives technologiques. L’avantage d’une solution en mains publiques est d’éviter que des grandes compagnies d’internet (Google, Amazon, Microsoft) ne s’emparent du domaine de l’identification électronique, pour s’ouvrir de nouveaux marchés, en proposant des applications propriétaires, afin de récolter davantage de données personnelles et proposer essentiellement des produits payants (services et marchandises).
Réduire le pouvoir de ces multinationales par des solutions publiques, gratuites et transparentes, réglées par des lois représente une meilleure issue que de proposer une régulation du secteur privé. Cet exemple pourrait servir à s’étendre vers d’autres prestations, comme le courrier électronique.
José Sanchez