«Water Economy»: pas loin du bouillon

«Water Economy»: pas loin du bouillon

Les multinationales des services de l’eau, en particulier les trois françaises Ondeo (Suez), Veolia (ex-Vivendi) et Saur (Bouygues) et l’électricien allemand RWE (Thames Water International) ont fait une découverte saisissante: les pauvres sont vraiment pauvres! Et quand les prix de l’eau augmentent, ils les refusent, se battent politiquement ou ne les payent pas. Salauds de pauvres…

Dès lors, ces entreprises qui, pour ne pas s’endetter trop, avaient massivement puisé dans leurs fonds propres pour financer leur expansion mondiale se sont trouvés au bord de la faillite. Mis à part Veolia qui continue à tabler sur le miracle chinois, les autres se recentrent sur leur métier de base, comme Bouygues, qui cherche depuis plusieurs mois à vendre sa filière Saur. Suez, pour sa part, semble se redéployer du côté de la maintenance des réseaux et de l’épuration. En refusant désormais de racheter les réseaux des services municipaux en voie de privatisation, les multinationales de l’eau perdent évidemment de leur attractivité. Ce triste sort ne pouvait laisser indifférent d’éminents humanistes comme Michel Camdessus, ancien directeur du FMI. Sous sa houlette, un panel international désigné et coopté par le Conseil mondial de l’eau, le 3e Forum mondial de l’eau et le Partenariat mondial de l’eau a donc planché sur cette épineuse question du financement des infrastructures. Ce beau monde – véritable forum de Davos de l’eau – réunissant banquiers, dirigeants de multinationales et anciens ministres, a produit un rapport sur le «Financement de l’eau pour tous» (mars 2003). Constatant qu’il n’est pas possible de faire de bonnes affaires avec des gens démunis, le panel concède au service public la tâche de s’occuper des populations pauvres. En contrepartie, les Etats «doivent créer un environnement propice à la participation du secteur privé à la réalisation des services d’infrastructures». La mobilisation du capital local, y compris des fonds de retraite, doit permettre un financement plus aisé des opérations des multinationales. Et les organisations internationales de crédit (FMI, OCDE, Banque mondiale) doivent développer et assouplir leurs mécanismes d’assurances et de garantie, afin que «les besoins spécifiques des opérateurs privés potentiels dans le secteur de l’eau» soient «pris en considération». Cerise sur le gâteau, l’ancien principe de «recouvrement des coûts», cher au FMI, a été remplacé par le «recouvrement durable des coûts». Quel humour, ces banquiers! En réalité, il s’agit d’opter pour des politiques de prix un peu moins obtuses, visant plus le long terme que la simple razzia: «un prix abordable de l’eau devra être assuré à chacun en mettant en place des structures tarifaires appropriées, et notamment un système de subventions croisées (par exemple en fixant une structure de tarifs progressifs) et/ou des politiques ciblées et transparentes en faveur des plus pauvres». Autrement dit, les subventions publiques doivent plus ou moins permettre l’accès à la ressource pour les pauvres, le privé écrémant la partie devenue rentable et solvable des besoins. (ds)