Services publics et dépenses sociales: l'épreuve de force

Services publics et dépenses sociales: l’épreuve de force

La première quinzaine de novembre est à nouveau marquée par un effort de mobilisation des secteurs publics lémaniques contre leurs budgets d’austérité 2005 respectifs. La lutte des salarié-e-s s’annonce difficile. Dans le canton de Vaud, l’unité des organisations syndicales est mise à mal. Partout, les magistrats socialistes et verts s’alignent sur les prétendues exigences de la «rigueur». Au-delà de la dégradation des salaires et des conditions de travail annoncées, un vaste chantier de démolition sociale s’ouvre, qui vise les usager-e-s des services publics et les bénéficiaires les plus fragiles de la prévoyance sociale: chômeurs-euses, personnes à l’assistance et handicapé-e-s.

A Genève, après les premières attaques contre les salarié-e-s du public du printemps dernier, la majorité réactionnaire a encore durci le ton. Si les manifestations et les grèves de mai-juin ont permis d’arracher quelques concessions – grosso modo la moitié des mécanismes salariaux prévus par la loi –, le budget 2005 a relancé brutalement le conflit: aucune progression des annuités, 0,75% de compensation du renchérissement en tout et pour tout, ainsi que 75 postes aléatoires dans l’instruction publique. De surcroît, cinq militant-e-s sont aujourd’hui poursuivis pour activités syndicales… Dans le canton de Vaud, dès le départ, le Conseil d’Etat avait placé la barre très «haut», annonçant le gel des salaires nominaux – ni augmentations statutaires ni indexation.

Adossées aux résultats spectaculaires de leur politique des caisses vides (sous-estimant même les recettes), les autorités de l’arc lémanique ont joué à plein le «réalisme» des comptes, relayées bruyamment par les grands médias. A Genève, elles ont refusé de négocier quoi que ce soit, d’où la rupture de tout contact avec les organisations syndicales depuis la fin de l’été. Dans le canton de Vaud, elles se sont engagées dans de longs palabres, avant de céder un petit bout de terrain pour arracher un accord au rabais à la Fédération des Sociétés de Fonctionnaires (FSF – l’aile la plus modérée du mouvement). Le SSP ne participait pas à ces négociations et SUD a refusé de signer.

Après le fort mouvement du printemps à Genève, les mobilisations de la rentrée dans les deux cantons avaient marqué une nette volonté de résister aux oukazes gouvernementaux. On relèvera le succès particulier des manifestations et grèves des 28 septembre et 5 octobre dans le canton de Vaud, au lendemain du dépôt du budget. Cependant, la lutte doit s’installer dans la durée et tenter de fédérer les résistances sociales, notamment à l’approche du vote du budget par les parlements.

Dans le canton de Vaud, la division syndicale pèse sur la journée d’action et de grève du 10 novembre: SUD et la FSF, qui divergent profondément sur l’accord signé, appellent cependant ensemble à une manifestation unitaire pour la défense des services publics. De son côté, SUD continue à appeler à la grève, mais prendra une décision définitive sur ses modalités après consultation du personnel sur les lieux de travail. Enfin, le SSP dénonce des négociations bidons et des accords inacceptables pour convoquer une manifestation séparé, qui rejoindra le cortège unitaire; il maintient aussi l’appel à la grève…

A Genève, le Cartel intersyndical prépare une semaine d’information et de mobilisation unitaire, du 8 au 12 novembre, rythmée par cinq temps forts: lundi, signature de plusieurs initiatives, référendums et pétitions en défense des services publics et des prestations à la population; mardi, journée de l’enseignement avec arrêts de travail et manif; mercredi, journée de l’administration avec accent sur le problème du chômage; jeudi, journée de la santé avec débrayages, manif et débat; vendredi, journée du social avec grande manif unitaire et fête de clôture. Chaque jour, la défense des syndicalistes inculpés sera de même au centre des préoccupations.

Ces rendez-vous syndicaux, en lien avec les mobilisations populaires d’usagers-ères, sont essentiels à la poursuite et à l’amplification de la résistance, quels que soient leurs résultats immédiats. Car, il ne faut pas se le cacher, c’est dans une lutte sociale de longue haleine, politique et syndicale, que nous nous engageons… Les exécutifs cantonaux, aiguillonnés par des majorités parlementaires réactionnaires, ne font que s’aligner sur la droite fédérale des Blocher, Merz et autres Couchepin, pour accélérer la flexibilisation des salaires et des conditions de travail, la précarisation de l’emploi, la répression des chômeurs-euses, la libéralisation des services publics et l’asphyxie de l’aide sociale. Ce chantier de démolition vise d’abord les plus défavorisé-e-s, les femmes en particulier. Et pour balayer tout obstacle, il entend briser la résistance du secteur public, en particulier à Genève et dans le canton de Vaud.

Parce que nous refusons une société fondée sur l’explosion des inégalités et le droit du plus fort, toutes et tous ensemble, nous ne nous laisserons pas faire!

Jean BATOU