Ani DiFranco: un nouvel album tout en finesse

Ani DiFranco: un nouvel album tout en finesse

Avec la sortie, le 25 janvier prochain de Knuckle Down*, Ani DiFranco maintient son rythme effréné d’au moins un CD par année depuis 1990. Etonnante artiste, que cette jeune femme de 34 ans, débordante d’énergie, sans cesse en tournée et toujours innovante et créative. Ani DiFranco renoue avec une musique et des textes plus engagés, qui reflètent une année 2004 durant laquelle la «Little Folksinger» de Buffalo a été présente sur de nombreux fronts, politiques comme artistiques.

C’est avec une régularité déconcertante que sortent les albums d’Ani DiFranco, sans pour autant se ressembler les uns les autres. Après des débuts folk lo-fi, rapidement musclés par une énergie débordante, l’artiste s’est tournée vers des sonorités funk et jazzy, pour revenir, avec Evolve et Educated Guess, sortis respectivement en mars 2003 et en janvier 2004, à une musique plus intimiste. Son seizième album, Knuckle Down, s’inscrit pleinement dans cette ligne.

Jusqu’à présent Ani DiFranco était une sorte de do-it-yourself fan, ayant sa propre maison d’édition indépendante et produisant tous ses albums. Alors que sur Educated Guess, elle était seule, jouant tous les instruments, mixant elle-même les pistes enregistrées dans son home-studio, Knuckle Down est un album plus «familial». On y retrouve des noms connus de l’entourage de l’artiste, comme Julie Wolf, qui l’a longtemps accompagnée sur scène, Tod Sickafoose, son actuel bassiste, Tony Scherr et Noe Venable, qui ont souvent assuré la première partie de ses concerts ou encore Andrew Bird, artiste produit par Righteous Babe Records. Mais surtout, la grande nouveauté, c’est que cet album est co-produit par Joe Henry, songwriter de grand talent qui fait un peu penser à Tom Waits. Cette collaboration donne une ampleur toute particulière à Knuckle Down.

Une année sous le signe de la politique

Si Ani DiFranco a toujours été engagée, dans ses textes, comme dans ses actes, l’année 2004 a été particulièrement intense de ce point de vue. Outre son action pour préserver le patrimoine bâti de Buffalo NY, en proie aux spéculateurs peu scrupuleux, et son engagement contre la peine de mort, elle a réaffirmé ses convictions féministes en participant le 25 avril à la grande marche des femmes pour le droit à l’avortement qui a réuni 1,15 millions de personne à Washington DC.

En juillet, elle est partie avec le chanteur Damien Rice en Thaïlande et en Birmanie, où ils ont visité des camps de réfugié-e-s et rencontré des dissident-e-s luttant pour la liberté et la démocratie en Birmanie. Ce voyage s’inscrivait dans une campagne états-unienne de soutien à Aung San Suu Kyi et contre la dictature militaire de Rangoon.

En octobre, Ani DiFranco a reçu, du Southern Center for Human Rights, le prix Frederick Douglass pour les droits de l’Homme, récompensant son engagement pour la promotion de l’engagement civique, en particulier contre la peine de mort et pour le respect des droits des détenu-e-s.

Finalement, durant l’automne, elle a mis sur pied le «Vote Dammit! Tour», pour appeler les citoyennes et les citoyens états-uniens à aller voter, afin de faire barrage à George W. Bush. Lors de cette tournée, à laquelle ont notamment participé Dan Bern, les Indigo Girls et Margaret Cho, des fonds ont été récoltés pour la Feminist Majority Foundation et plus de 20000 personnes se sont enregistrées sur les listes électorales.

Ces engagements se ressentent dans les textes actuels d’Ani DiFranco. Moins introspectifs et personnels que sur Educated Guess, ils témoignent de la volonté de l’artiste d’inciter toujours plus de femmes et d’hommes à s’engager contre l’ordre établi. Dans une interview où un journaliste évoque le renouveau politique de sa plume, elle répond simplement qu’il n’y a pas de différence entre ses écrits personnels et ses écrits politiques, que tout est lié, que le privé est politique. Elle reconnaît toutefois le caractère particulier de la chanson «Paradigm», qui défend notamment la vertu des impôts: «Cette chanson retranscrit exactement ma vision politique en ce moment. L’essentiel de mon travail consiste à inviter les gens à redevenir citoyens pour qu’on exerce nos droits, notre pouvoir. Il y a tant de pouvoir potentiel inutilisé, ça me désole.»

Knuckle Down est une nouvelle toute grande réussite sortie des presses de Righteous Babe Records, et quand on sait qu’Ani DiFranco a continué dans la lancée de cet album à écrire des chansons, pour la plupart à caractère politique, et que la moitié du prochain album est déjà prêt, on ne peut être qu’impatient d’être en janvier 2006…

Erik GROBET

* Ani DiFranco, Knuckle Down, Righteous Babe Records.


Ani DiFranco sera en concert le 1er avril au FriSon à Fribourg et le 2 avril au Kaufleuten à Zurich