Forum social mondial: un nouveau défi
Forum social mondial: un nouveau défi
Certaines voix s’étaient élevées pour spéculer sur l’échec du Forum Social Mondial 2005. Mais le succès de fréquentation a dépassé toutes les attentes: plus de 155000 personnes venant de 135 pays participant à plus de 2500 activités. Un camp jeune au cur même du forum regroupant plus de 35000 personnes. Une manifestation d’ouverture regroupant plus de 200000 personnes.
Le contexte est tel que, loin de s’essouffler, le mouvement «altermondialiste» se présente comme un élément déterminant de résistance face aux attaques sociales, couplées aux politiques agressives d’intervention et de guerre de l’impérialisme américain. Ce nouvel essor du FSM est lié aussi à la très forte participation de nouvelles générations militantes sud-américaine et brésilienne qui vivent aujourd’hui de façon brutale des crises et des affrontements sociaux et politiques secouant tout le continent sud-américain. Le long de la lagune du lac Guaïba, on pouvait prendre la température de cette radicalisation: celle des insurrections boliviennes, des mouvements sans terre brésiliens, des piqueteros argentins, des luttes indigènes, et des résistances révolutionnaires bolivariennes au Venezuela.
La profonde crise politique qui secoue le continent a aussi conduit au pouvoir des gouvernements de gauche qui se trouvent confrontés au dilemme de s’adapter à une politique néo-libérale ou de se confronter à la classe dominante. Ainsi les débats sur les questions d’orientation et de stratégie ont été énormément suivis. Nombreuses étaient les critiques sur le gouvernement Lula, plus soucieux du respect des organismes financiers internationaux comme l’OMC et le FMI, prêt à se conformer au moule des politiques néolibérales, critiques encore accentuées par la confusion qu’entretenait la participation de Lula au forum de Davos en Suisse. Alors que la prise de parole du chef de gouvernement vénézuélien Chavez présentait les termes d’une autre politique qui affronte directement l’impérialisme et qui donne son appui à la mobilisation sociale. Ce qui explique que Chavez a été chaudement plébiscité dans le forum alors que Lula a dû affronter de nombreux sifflets.
Lieu d’alternatives et de nouvelles perspectives
Ce qui était frappant dans les nombreux ateliers proposés, c’était la préoccupation constante de renforcer les solidarités et de recentrer des propositions d’action. La nouvelle méthodologie adoptée qui prévoyait de lier la réflexion à des propositions d’actions et de campagnes selon des thèmes élaborés au préalable, après une vaste consultation de la base, a permis un plus grand échange entre participants. Il n’y a pas eu de grandes conférences, la majorité des activités étaient autogérées par les participants. Ces nouveaux espaces de convergence ont modifié aussi le fonctionnement de l’assemblée des mouvements sociaux. Il n’y a eu qu’une assemblée au début et la déclaration finale des mouvements sociaux est un texte de synthèse résultant directement du travail des ateliers pour les campagnes proposées.
Ainsi les campagnes spécifiques et thématiques ont-elles pris le dessus par rapport aux plus grandes mobilisations des années passées. Il n’en reste pas moins que nous sommes tous et toutes en butte aux mêmes attaques néolibérales, aux mêmes saccages environnementaux, avec comme corollaire la doctrine de la guerre «préventive» et les offensives «antiterroristes» voulues par le gouvernement Bush. L’avenir des forums est lié à un certain défi: celui d’enclencher une nouvelle dynamique combinant l’acquis des forums régionaux, permettant aux luttes d’obtenir des victoires partielles au niveau national et au niveau des sous-continents, tout en maintenant une capacité de résistance collective mondiale contre l’ordre néo-libéral.
Pierrette ISELIN